Sputnik a interrogé plusieurs experts européens qui ont donné leurs avis sur les raisons de l'opposition féroce de la plupart des pays européens à l'organisation de meetings de la diaspora turque sur leur territoire.
« Je pense que les Européens craignent qu'un Erdogan trop puissant, grâce à cette réforme constitutionnelle qui lui donnerait beaucoup de pouvoir, soit un partenaire encore plus difficile dans les dures négociations sur le processus de l'adhésion à l'UE et surtout sur la question des migrants. D'où la nécessité pour les Européens de se ménager certains contre-pouvoirs en Turquie », estime Tancrède Josseran, attaché de recherche à l'Institut de Stratégie et des Conflits (ISC).
Il a également souligné la présence d'une « certaine répartition des tâches entre Européens », car il y a actuellement « un pays comme la Hollande » et des pays soutenant la décision des Hollandais, dont « l'Allemagne d'Angela Merkel ». « La France qui n'a pas interdit le meeting, on dirait qu'elle laisse une porte ouverte pour dialoguer. Cela ressemble à un interrogatoire de police — il y a toujours un "bon policier" et un "méchant policier" », a ajouté M. Josseran.
« La preuve — c'est qu'on a très peu entendu le Premier ministre turc Binali Yıldırım s'exprimer sur le sujet. Il a des intérêts financiers très importants en Hollande à travers son fils qui possède — sur sa flotte importante des navires marchands — quatre bateaux qui battraient pavillon hollandais », selon M. Josseran.
Les limites dans l'escalade que respecte chaque pays prennent en compte les différents engagements historiques entre la Turquie et les différents pays européens, lesquels influent sur les prises de positions de chacun. Ainsi en est-il de la France, comme l'explique Alexandre del Valle, essayiste et consultant international en géopolitique:
« La France essaye à tout prix d'avoir une bonne image vis-à-vis de la Turquie pour faire oublier le trouble de l'époque Sarkozy, qui avait énormément dénoncé la candidature de la Turquie à l'Union européenne », tandis que François Hollande « à son arrivée au pouvoir, a voulu prendre le contre-pied et remettre de bonnes relations » avec la Turquie à l'aide des « compromissions et par le fait de céder. »
En outre, Alexandre del Valle met l'accent sur l'aspect économique, qui expliquerait l'attachement du locataire de l'Élysée à la collaboration avec Ankara.
« Il y a également une dimension économique. Hollande veut vendre toutes sortes d'armements, d'industries et de produits aux pays islamiques et à la Turquie. Mais c'est l'homme qui a refusé de vendre les Mistral à la Russie », a-t-il ajouté.
Pourtant, pour M. del Valle la solidarité de la France à l'égard de la Turquie, qui a agressé verbalement et militairement plusieurs pays de l'UE, pourrait marquer le « début de déliquescence de l'UE »:
« Il y a malheureusement deux Europe aujourd'hui: les Européens qui veulent l'Europe avec la Russie et des Européens qui veulent l'Europe avec les Américains et les pays musulmans. Ces deux Europe sont totalement antinomiques. Malheureusement, la France a choisi de passer dans un camp atlantiste et suiviste vis-à-vis du Grand Turc Erdogan, qui a pour but d'être à l'intérieur de l'Europe le protecteur des musulmans. Ceci est très grave, parce qu'il islamiserait et radicaliserait l'ensemble de la communauté musulmane en Europe », a conclu Alexandre del Valle.
Auparavant, le parti d'opposition belge Vlaams Belang avait appelé à interdire les visites d'hommes politiques turcs dans le pays à l'approche du référendum sur le régime présidentiel en Turquie. Les Pays-Bas ont à leur tour expulsé la ministre turque de la Famille, en visite à Rotterdam, quelques heures après avoir empêché la venue du chef de la diplomatie turque, Mevlut Cavusoglu, qui devait assister à un meeting de soutien au président Erdogan.
Pourtant, la France a chaleureusement accueilli un tel rassemblement dimanche dernier à Metz.
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