Les nationalistes favoris des législatives aux Pays-Bas

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Depuis le début du XXIe siècle, l'histoire politique des Pays-Bas est marquée par une forte vague d'euroscepticisme. Au printemps 2005, les Néerlandais avaient rejeté par référendum le projet de nouvelle Constitution européenne, avant de faire connaître le même sort à l'accord d'association entre l'UE et l'Ukraine en avril 2016.

Le 15 mars 2017, les électeurs voteront pour constituer un nouveau parlement et un nouveau gouvernement: les relations du pays des tulipes avec l'UE reviennent donc de nouveau au centre des débats politiques.

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A première vue, ce pays prospère sur le plan économique et social devrait soutenir les forces politiques qui affichent constamment leur euro-optimisme. Cependant, les rangs eurosceptiques grandissent aux Pays-Bas: il ne sont plus seulement représentés par les national-populistes traditionnels du parti pour la liberté (PVV) menés par Geert Wilders, mais également par certains socialistes et écologistes ou même des partis régionaux mineurs. Tous sont plus ou moins préoccupés par la question migratoire, qui revêt des éléments aussi bien ethno-confessionnels que sociaux. Ils s'interrogent également sur les problèmes liés à la sécurité des citoyens. Aujourd'hui, les personnes non originaires d'Europe représentent plus de 20% des habitants de ce petit royaume.

Les partis à tendance libérale, social-démocrate et confessionnelle jouent un rôle central dans le système politique néerlandais. Dans le segment libéral, il est question du parti populaire libéral et démocrate (VVD) et du parti libéral de gauche D-66. Les chrétiens démocrates sont représentés par l'Appel chrétien-démocrate (CDA) et l'Union chrétienne (CU). Le camp des sociaux-démocrates est représenté par le parti travailliste (PvdA). A leur gauche se trouvent les socialistes et la Gauche verte. Enfin, le flanc nationaliste est monopolisé par le PVV. Le gouvernement actuel se compose du VVD et du PvdA, soutenus occasionnellement par le D-66 et le CDA. Tous les autres partis occupent essentiellement les bancs de l'opposition.

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Après les législatives de 2012, les votes à différents niveaux ont montré une réorientation des sympathies des électeurs du camp libéral du VVD au profit du D-66. Les sociaux-démocrates perdent leur soutien, dont l'électorat dérive soit vers les socialistes et les Verts, soit vers les chrétiens-démocrates. Le PVV affiche la tendance la plus positive. D'après les sondages, les 150 sièges de la seconde chambre pourraient se répartir ainsi: entre 25 et 30 places chacun pour le VVD et le PVV, entre 15 et 20 places pour la Gauche verte, le D-66 et le CDA, et entre 10 et 13 sièges pour les socialistes et le PvdA. Une telle répartition devrait se maintenir plus ou moins après les élections, ce qui ne facilitera pas la formation d'un nouveau gouvernement.

L'unique attache qui lie encore les principaux partis du pays est le rejet catégorique du PVV en tant qu'éventuel partenaire politique. Et il ne s'agit pas seulement du caractère inadmissible des opinions ultranationalistes de Wilders: les partis traditionnels se souviennent encore de l'expérience négative de la coopération de coalition du CDA avec la Liste nationaliste de Pim Fortuyn, prédécesseur du PVV actuel. La politique de cette coalition, quand les nationalistes avaient tenté d'imposer au pays globalement tolérant un système de mesures anti-immigration, avait entraîné de sérieuses pertes électorales pour les chrétiens-démocrates.

Les positions politiques et idéologiques actuelles de Wilders sont encore plus odieuses que celles de ses prédécesseurs. Eurosceptique le plus affirmé dans son pays, il se distingue également avec Marine Le Pen au niveau européen. Sa principale thèse — absolument pas appuyée économiquement — stipule qu'il serait plus bénéfique pour les Pays-Bas de sortir de l'UE. Par analogie avec le Brexit, il propose à ses compatriotes un référendum sur la sortie de l'UE. Le fait de devoir remodeler la Constitution du pays pour cela ne l'offusque pas.

Aujourd'hui, le leader du PVV se prépare à un éventuel nouveau référendum sur l'accord commercial entre l'UE et le Canada. Dans ce sens, les positions du PVV et des partis de gauche pourraient coïncider. Dans l'ensemble, les volets sociaux et économiques des déclarations de campagne de Wilders sont le point le plus faible des nationalistes, or pour les Néerlandais les questions économiques ont toujours été un élément important de leurs préférences électorales.

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L'élément central de la rhétorique de campagne de Wilders porte sur les réfugiés et les migrants. Il ne lésine pas sur les déclarations qui sortent du cadre du politiquement correct propre à l'establishment néerlandais: il exige ainsi d'instaurer une interdiction d'entrer dans le pays pour les citoyens d'États musulmans, proclame l'islam en tant que religion étrangère à la nature spirituelle des Pays-Bas, exige la démolition des minarets et la fermeture des mosquées. Il qualifie également les Marocains, le groupe ethnique le plus représenté parmi les immigrés, de "salauds" et de "terroristes potentiels". A la veille des élections il a même renoncé aux discours publics sous prétexte de menaces pour sa vie émanant des terroristes marocains. Toutefois, la thèse sur les terroristes ne lui apportera pas beaucoup de points électoraux car les Pays-Bas restent actuellement en dehors de la zone d'activité terroriste.
La rhétorique de campagne de Wilders est essentiellement affaiblie par les mesures prises ces dernières années par le premier ministre Mark Rutte, appelées à protéger le pays contre d'éventuelles attaques terroristes. Les dépenses pour la sécurité intérieure, le financement de la police et des forces judiciaires et de l'ordre ont significativement augmenté depuis 2016. Le contrôle à la frontière a été renforcé et une coopération en ce sens a été mise au point avec les pays voisins des Pays-Bas. En mai 2016, le parlement a adopté la proposition du gouvernement de priver de nationalité les islamistes radicaux.

Une autre nouveauté du gouvernement approuvée par le parlement en novembre 2016 a été l'interdiction de porter des vêtements masquant le visage dans les lieux publics. Toutefois, pendant le vote au sénat en février 2017, les députés de gauche mais aussi les sénateurs du PvdA n'ont pas soutenu la proposition de priver de nationalité les terroristes présumés sans décision du tribunal. A ce sujet, les sénateurs du VVD et du PVV se sont retrouvés du même côté des barricades. Les positions des deux partis et des politiciens du camp confessionnel ont également coïncidé dans leur opposition à la loi sur la culture de la marijuana.

Cependant, ces coïncidences de positions peuvent difficilement être considérées comme un pont vers une future coopération entre la droite et l'extrême-droite: la situation globale en UE ne contribue aucunement à des coalitions aussi contradictoires. D'un autre côté, cette convergence contribue à légitimer de nombreuses positions anti-immigration du PVV. Le succès de ce parti aux élections pourrait ainsi donner aux nationalistes à l'intérieur et en dehors de l'UE un argument de plus pour affirmer le caractère inévitable de l'échec à court terme de l'Union européenne.

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