Meeting turc à Metz : le gouvernement français sous le feu des critiques

© AFP 2024 Bas Czerwinski Meeting turc
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« On ne peut pas laisser le gouvernement turc traiter l’Allemagne et les Pays-Bas de nazis sans réagir ». Tout comme François Fillon, de nombreux candidats se sont indignés de la tenue d’un meeting politique turc, hier à Metz, alors que plusieurs pays européens les ont interdits.

« Vestiges nazis, fascistes » voici, résumée en trois mots, toute l'estime de Recep Tayyip Erdogan porte aux Pays-Bas. Dimanche, depuis Istanbul où il tenait meeting, le Président turc a vivement critiqué La Haye suite à l'interdiction d'un meeting qui devait avoir lieu samedi à Rotterdam en faveur du projet de réforme constitutionnelle. La veille, les autorités néerlandaises avaient interdit à l'avion de Mevlüt Çavusoglu, chef de la diplomatie turque, d'atterrir. Même traitement réservé à Fatma Betül Sayan Kaya, ministre de la famille, reconduite à la frontière après être arrivée d'Allemagne par la route. « Ils devront en payer le prix » a lâché le numéro Un turc qui a promis des « représailles » suite à l'affront dont il estime victimes ses ministres.

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Une interdiction qui vient s'ajouter à une longue série à travers l'Europe: l'Allemagne, l'Autriche ainsi que la Suisse ont interdit la tenue de meetings de politique intérieure turque sur leur sol. Il y a une semaine, déjà lors d'un rassemblement, Recep Tayyip Erdogan atteignait allégrement le point Godwin en accusant Angela Merkel de « pratiques nazies ». Des propos « excessifs », témoins d'une « véritable guerre des mots » entre Ankara et plusieurs capitales européennes et qui traduisent un malaise plus profond, selon François Campagnola — juriste et chercheur associé à l'Institut Prospective & Sécurité en Europe (IPSE), spécialiste des relations entre l'UE et la Turquie. Il appelle à raison garder, dans une crise avec des « causes objectives » et pas si manichéenne qu'on nous la présente. François Campagnola revient en effet sur le « cocktail de raisons » de cette montée des tensions diplomatiques et politiques dans lesquels « les Européens ont leur part de responsabilités ».

Il y a bien sûr des raisons propres à la Turquie. Citons les inquiétudes nées de la tentative de putsch de juillet dernier ou de à la montée de « dérives autoritaires ». Mentionnons aussi la remise en cause du « cadre des relations classiques au sein de l'OTAN » — dans ce qu'il décrit comme une tendance « néo-ottomanienne ».

Pour notre expert, les Turcs ressentent aussi de la « déception » de sentir les portes de l'Europe se fermer après plusieurs décennies de négociations. Ils estiment également que l'Europe n'a pas tenu sa promesse de libéraliser régime des visas pour les citoyens turcs souhaitant se rendre dans l'espace Schengen, un point qui figurait dans l'accord de 2016 sur la gestion de la crise des réfugiés.

Du côté des Européens, il faut souligner la montée du fait religieux, qui « heurte une certaine conscience laïque d'un certain nombre d'Européens » ainsi que la « tendance à la présidentialisation des institutions », qui inquiète.

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Interdit d'entrée sur le territoire de nombreux pays accueillant une importante diaspora turque (3 millions en Allemagne, 650 000 en France et 400 000 aux Pays-Bas), c'est finalement la France qui a fait fi de cette solidarité européenne pour accueillir la manifestation en faveur d'Erdogan. Ainsi, dimanche 12 mars, à Metz, Mevlüt Çavusoglu, chef de la diplomatie turque, a pu plaider en faveur du « oui » au référendum du 16 avril prochain sur la réforme de la Constitution renforçant les pouvoirs du Président devant près d'un millier de personnes issues de la diaspora turque. Si le meeting s'est déroulé sans incident notable, le ton de l'intervenant est pour le moins insolite en territoire étranger. Il a en effet qualifié La Haye de « capitale du fascisme » et exigé des excuses de la part des Néerlandais.Des propos auxquels Mark Rutte, Premier ministre néerlandais, a donné échos depuis La Haye « Il est hors de question de présenter des excuses, ce sont eux qui devraient s'excuser pour ce qu'ils ont fait hier ».

En France, la polémique enfle. Les réactions de la classe politique ont été vives et contrastées. La plupart des candidats à la présidentielle se sont en effet opposés à la décision du gouvernement. Ainsi François Fillon s'est-il fendu dimanche d'un communiqué où il accuse dans un communiqué François Hollande de rompre « de manière flagrante la solidarité européenne ». Le candidat LR insistait ce lundi matin sur Europe 1 « On ne peut pas laisser le gouvernement turc traiter l'Allemagne et les Pays-Bas de nazis sans réagir ».

De son côté, le candidat souverainiste Nicolas Dupont-Aignan n'a pas mâché ses mots au micro de RFI, déclarant pour sa part avoir « honte » pour son pays, ajoutant que « c'est insupportable de voir un meeting communautariste pour en plus donner les pleins pouvoirs à un apprenti dictateur ».
Le Front national enfonce le clou, Marine Le Pen déclarant dans un Tweet « Pourquoi devrait-on tolérer sur notre sol des propos que d'autres démocraties refusent? Pas de campagne électorale turque en France. »

​Il faut dire que ce meeting en rappelle un autre: début octobre 2015, à moins d'un mois des législatives dans son pays, le numéro Un turc faisait le déplacement jusqu'à Strasbourg pour tenir meeting devant 12 000 personnes qui l'avaient acclamé comme une « rock-star ».

N'oublions pas le centre et la gauche de l'échiquier politique, qui ne sont pas en reste. Dimanche soir, sur le plateau de TF1 dont il était l'invité, Emmanuel Macron a regretté l'absence de consensus à l'échelle européenne pour « interdire ce genre de rassemblement ». Condamnation également d'EELV, pour qui cette manifestation « rend la France témoin et caution du grave glissement autoritaire que connaît la Turquie actuellement ». Seul couac dans ce concert de condamnations, le candidat socialiste Benoit Hamon — pourtant allié d'EELV dans la campagne — a défendu la décision des autorités qui jouent l'apaisement, expliquant qu'il n'y avait pas de risques de troubles à l'ordre public, le quai d'Orsay estimant que le meeting tenait de la « liberté de réunion ».

Une liberté de réunion qui fait néanmoins tache dans le tableau d'une Europe unie contre les dérives autoritaires d'Erdogan.

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