Vers où les futurs lanceurs de la NASA sont-ils pointés?

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Le sénateur John Cornyn et John Culberson, membre de la chambre des représentants, ont soumis le 24 janvier 2017 au congrès américain un projet de loi prévoyant l'attribution d'un statut juridique aux initiatives stratégiques de la NASA pour la conquête de l'espace.

Objectif: prémunir l'agence spatiale américaine contre les incertitudes qui surviennent pratiquement après chaque élection d'un nouveau président à la tête du pays. A en juger par leurs décisions, les politiciens américains veulent visiblement autoriser la NASA à envoyer des astronautes sur la Lune, voire sur Mars.

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Le projet de loi prévoit une fixation des projets de la NASA pour la conquête de l'espace proche et lointain jusqu'à cinq ans. En clair: s'ils sont approuvés peu de temps avant l'élection d'un nouveau président, ils seront mis en œuvre par la NASA indépendamment des décisions de la nouvelle administration. "Nous voulons apporter de la stabilité et de la continuité à notre programme spatial en nous assurant que ses principales priorités ne changeront pas avec l'arrivée d'une nouvelle administration", a déclaré Lamar Smith, élu républicain du Texas à la chambre des représentants.

D'après le projet de loi, trois mois après son adoption la NASA devra présenter un rapport intermédiaire pour énoncer en détail les principaux objectifs de l'agence concernant les éventuelles missions sur la Lune, les astéroïdes, les satellites de Mars et la planète Rouge elle-même, ainsi que vers d'autres destinations. L'initiative des congressistes a été activement soutenue par l'agence spatiale et l'administration du président Donald Trump. La certitude d'un soutien public à long terme des programmes coûteux et ambitieux est plus pertinente que jamais pour la NASA.

Un exemple parlant est le programme Constellation dont la réalisation avait été lancée en 2004 à l'époque du républicain George W. Bush. Ce projet prévoyait que les États-Unis reviennent sur la Lune d'ici 2020 avant d'envisager l'envoi d'un homme sur Mars. En 2010, le programme a été fermé à l'initiative du président Barack Obama pour « manque de financement », car Constellation n'entrait pas dans le budget selon l'administration démocrate. Plus tard, Obama a annoncé que les élaborations du programme lunaire seraient utilisées pour la conception de la fusée lourde SLS ( Space Launch System ) et du vaisseau habité Orion.

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Le président démocrate a ensuite proposé à la NASA d'envoyer l'homme directement sur Mars sans passer par la Lune grâce à SLS et Orion, ce qui semblait peu cohérent: il est en effet étrange de parler de problèmes de financement puis de proposer une mission bien plus complexe et coûteuse — partir sur Mars et pas sur la Lune. En 2014 a été réalisé un lancement d'essai d'Orion en régime inhabité et il est prévu d'effectuer le premier lancement de la fusée SLS avec Orion en 2018. Les congressistes comptent justement fixer législativement pour les cinq prochaines années tout ce qui concerne la SLS, Orion et les programmes spatiaux commerciaux.

Le coût du premier lancement commun de SLS et Orion dépasse les 2 milliards de dollars — une somme qui a tellement impressionné Trump qu'il a même songé à la fermeture du programme martien. Heureusement l'État d'Alabama — où est assemblée la SLS au Centre des vols spatiaux George Marshall — sait promouvoir ses intérêts au congrès américain. Plus rien ne menace donc la fusée et le vaisseau à part les ouragans. L'agence s'est confrontée à la nouvelle administration sur deux autres points: l'éventuel séquestre du budget annuel de 2 milliards de dollars de la NASA pour l'étude de la Terre; et les restrictions pour embaucher des migrants.

Les unités de la NASA et de l'industrie aérospatiale américaine, qui sont liées d'une manière ou d'une autre aux programmes de conquête de l'espace lointain, sont satisfaites par le soutien affiché par Trump aux programmes de conquête de l'espace lointain. On ignore les raisons de cet attachement du président américain pour l'espace — cette attitude pourrait s'expliquer par le simple fait que les grandes compagnies aérospatiales défendent activement leurs intérêts.

Le dirigeant de la compagnie SpaceX Elon Musk, devenu conseiller économique de Trump, a également pris ses distances envers la politique. Et on le comprend: la prospérité financière de SpaceX dépend en grande partie des subventions de l'État et de sa participation aux programmes de la NASA.

En 2017, le développement de SpaceX a toutes les chances de faire un nouveau bond. La compagnie prévoit de lancer la fusée lourde Falcon Heavy au second semestre, et avant cela de lancer le premier satellite commercial sur la fusée Falcon 9 avec un premier étage réutilisé. Fin 2017, il est prévu de lancer Falcon 9 avec le vaisseau Dragon V2 en mode d'essai inhabité. Dans le cadre du contrat avec la NASA sur cet appareil, SpaceX a l'intention de transporter des astronautes jusqu'à la Station spatiale internationale ( ISS ). Musk risque donc d'avoir une année chargée: il lui faudra s'assurer le soutien de la Maison blanche et de la NASA tout en évitant les accidents.

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Qu'est-ce qui attend prochainement l'agence spatiale américaine? L'administrateur par intérim de l'agence Robert Lightfoot a annoncé que d'ici avril 2017 la NASA fonctionnerait en régime normal, c'est-à-dire conformément au budget approuvé l'année dernière. D'un autre côté, la nouvelle administration modifiera certainement les plans de la NASA dont parlaient les experts, les congressistes et les médias.

Avant tout, le survol de la Lune prévu pour 2020 pourrait être réalisé non pas par le complexe coûteux SLS et Orion, mais par des analogues commerciaux plus accessibles — ce qui est dans l'intérêt de SpaceX et de son concurrent en pleine ascension, la compagnie Blue Origin. L'entreprise de Jeff Bezos, PDG et fondateur d'Amazon, dispose déjà du système suborbital New Shepard, développe conjointement avec ULA ( United Launch Alliance ) le moteur BE-4 pour la future fusée Vulcan et construit sur le territoire du centre John Kennedy en Floride une usine pour fabriquer ses fusées. Le premier lancement de la fusée lourde New Glenn est prévu pour 2020, puis la compagnie compte envoyer dans l'espace la fusée lourde New Armstrong.

Alan Stern, président du conseil d'administration de la Fédération des vols spatiaux commerciaux — qui réunit une cinquantaine de compagnies privées dont SpaceX et Blue Origin — estime que la SLS « pourrait être utile pour les membres de la Fédération ( groupe industriel qu'il dirige dont ne fait pas partie le géant aérospatial Boeing qui développe la SLS ) », et que « c'est le marché qui filtrera ». En disant cela le planétologue Stern, également directeur de la mission New Horizons pour l'étude de Pluton et de la ceinture de Kuiper, faisait allusion au coût élevé du lancement de la SLS par rapport à Falcon Heavy ( 1 milliard contre 90 millions de dollars avec une capacité de charge double pour le premier lanceur ). Quoi qu'il en soit, les experts s'accordent à dire que le soutien de la fusée SLS est très fort au congrès.

La compagnie Sierra Nevada, qui a proposé de réparer le télescope spatial Hubble à l'aide de son vaisseau Dream Chaser ( des navettes avaient effectué ces réparations à cinq reprises jusque là ), voudrait également obtenir un financement en cette période de transition. Les experts de Trump devront étudier l'utilité de cette proposition, notamment au vu du lancement du vaisseau Webb — le remplaçant de Hubble — prévu pour 2018. En 2014, Sierra Nevada a perdu un appel d'offres de la NASA pour transporter des astronautes jusqu'à l'ISS au profit de SpaceX et de Boeing.

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On ignore pour l'instant comment volera la SLS. Mais la présence de nombreux éléments de construction utilisés plus tôt dans la fusée lunaire Saturn V et les vaisseaux habités du programme Space Shuttle, ainsi que le module de passagers d'Orion qui rappelle la capsule d'Apollo, indiquent que les nouveaux vaisseaux sont extrêmement fiables. Par conséquent, comme l'a proposé la NASA, il serait possible de s'en servir pour envoyer directement des hommes dès le premier vol d'essai du complexe. Son lancement d'essai inhabité est prévu pour 2018 mais si l'agence décidait d'envoyer directement SLS et Orion avec des astronautes, les délais pourraient être reportées d'un an ou deux. Si ce complexe partait pour un vol habité, selon les spécialistes du Centre spatial John Kennedy, cela ne nécessiterait pas de sérieuse modification de l'infrastructure terrestre de la plateforme de décollage. La décision sur le premier vol de SLS et Orion est attendue d'ici fin mars.

Le congrès américain est allé encore plus loin en suggérant à la NASA d'étudier la possibilité d'utiliser Orion pour les vols non pas vers l'espace lointain mais vers l'ISS. Étant donné que chaque vol dans l'orbite circumterrestre avec Space Shuttle, sans compter le coût de développement du vaisseau, avoisine les 500 millions de dollars, ce n'est pas la première fois que les USA enverront des hommes dans l'espace pour des sommes astronomiques.

Le projet de loi fixant les plans de la NASA pour la conquête de l'espace lointain et le budget de l'agence pour l'année financière suivante pourrait être signé par le président américain dans les jours qui viennent. Ces documents ne concernent pratiquement pas les positions actuelles du pays concernant l'espace proche. Par ailleurs, les conseillers de Trump préconisent d'effectuer une « transition en douceur avec un taux de risque bas » — c'est-à-dire renoncer progressivement à l'ISS au profit des stations spatiales privées — et proposent de commencer par la création d'un module commercial. Ces questions devront certainement être traitées par le nouveau directeur de la NASA, qui présentera au public un programme détaillé de développement de l'agence spatiale. Pour l'instant, de plus en plus de compagnies profitent de cette période d'incertitude pour obtenir un financement de leurs projets — pas toujours justifiés sur le plan économique ou scientifique.

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