À trop provoquer, le film «Chez nous» finit par rendre service au FN

© AFP 2024 PHILIPPE HUGUEN Les partisans du Front national
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On n’aurait pas pu inventer une meilleure publicité pour Marine Le Pen. Grâce au film «Chez Nous», qui se veut ouvertement «anti-FN», la vraie candidate aux présidentielles pourrait bien obtenir quelques voix de plus.

Réalisé par Lucas Belvaux, le film « Chez nous », sorti en salle ce mercredi 22 février, suscite la polémique.

Petit récapitulatif des moyens artistiques bien particuliers du cinéaste belge: nous sommes dans une petite ville du Nord de la France, au paysage austère: des mines abandonnées, des commerces fermés, une population vieillissante, vouée à disparaître dans l'isolement, la déception, le sentiment de l'échec et l'incompréhension du monde en pleine mutation.

Un décor peu joyeux dans lequel vit Pauline Duez (Émilie Duquenne), une infirmière à domicile, mère célibataire avec deux enfants, « une fille simple, courageuse, intelligente et connue de tout le monde », comme la décrit le notable de la ville, le médecin Philippe Berthier (André Dussollier). C'est ce dernier, cadre du parti nationaliste le Bloc patriotique depuis quarante ans, qui propose à Pauline de se porter candidate aux élections municipales.

Réticente au début, Pauline se laisse convaincre par des arguments qui lui semblent pertinents: le parti « n'est plus comme avant, c'est autre chose », il tente de rassembler « ceux qui ne sont ni de gauche ni de droite » et qui veulent changer les choses. De fil en aiguille, on voit la jeune candidate aux municipales s'embarquer dans un processus de « formatage » politique assez réussi qu'elle accepte avec enthousiasme jusqu'au jour où tout bascule…

Même si la trame du film semble assez bien ficelée, avec une histoire sentimentale mouvementée, des éléments de polar et des rebonds de tout genre, paradoxalement, la partie la plus importante aux yeux du réalisateur s'avère la moins convaincante. Le point d'attaque principal, celui du parallèle entre la dirigeante du Bloc patriotique du film et le personnage bien réel de Marine Le Pen, semble peu réussi.

En effet, la figure de celle qui « rassemble ceux qui ne sont ni de gauche ni de droite » est présentée d'une manière si caricaturale que, par moments, le réalisateur semble confondre les genres de l'art et de la caricature en virant tout simplement dans le style des Guignols.

Agnès Dorgelle (Catherine Jacob), le personnage de la dirigeante du parti du rassemblement populaire, a tout pour provoquer le rire: un visage inquiétant, botoxé et malsain, des postures maladroites lors d'un meeting, des propos martelés à outrance… La méthode artistique s'avère, certes, efficace, si l'on en juge par la réaction des spectateurs dans la salle pleine à craquer: on pouffe de rire, mais le ricanement est vite étouffé par une incongruité évidente des scènes et des expressions des « nationalistes ».

​Il en va de même quand la caméra capte les visages des « gens du peuple » en gros plan où on se fixe sur la brutalité de leurs traits et des propos. Voilà le profil de l'électorat (potentiel ou réel) du parti populiste, agressif et déterminé, nous explique-t-on…

Cette toile de fond semble quelque peu paradoxale, car le discours véhiculé par le parti nationaliste, tel qu'il est présenté dans le film, provoque un sincère enthousiasme chez le personnage principal, la jeune candidate aux municipales, prête à assumer pleinement son nouvel engagement quitte à faire face à la réprobation de ses amis et surtout de son père, ancien militant communiste.

Un des enjeux du film est, de toute évidence, de montrer les rouages de la récupération des électeurs et des pratiques de manipulation propres à la politique en général. Or, la manière de montrer le vrai visage et « le dessous des cartes » du parti nationaliste tel qu'il est présenté dans le film, risque de produire l'effet contraire. La provocation « artistique » maladroite et ridicule ne peut qu'inciter quelques électeurs de plus à prêter attention à celle qui a bien l'intention de rassembler « ceux qui ne sont ni à droite ni à gauche ». Prêter attention, ne serait-ce que par l'esprit de contradiction bien connu des Français.

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