Voter en prison pour éviter la radicalisation et assurer la réinsertion

© AP Photo / Bob EdmeLa prison du Mont de Marsan, dans le sud-ouest de la France (archive photo)
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Dans une interview accordée à Sputnik, le délégué général de l’association Robin des Lois (RDL), François Korber, explique pourquoi implanter des urnes en prison serait « électoralement rentable » et comment il pourrait empêcher la radicalisation en milieu carcéral.

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Ils sont environ 50 000 prisonniers à conserver leur droit de vote si on exclut les mineurs, les étrangers et les condamnés expressément déchus de leurs droits civiques. Mais où et comment les détenus français vont-ils voter aux présidentielles? Alors que dans de nombreux pays, des bureaux de vote temporaires sont déjà implantés dans les prisons, cette pratique n'a toujours pas été adoptée dans les établissements pénitenciers en France.

À en croire François Korber, délégué général de l'association Robin des lois, qui bataille depuis 2014 pour l'installation d'urnes dans les établissements pénitentiaires, il ne s'agit pas en l'occurrence de donner le droit de vote, les détenus l'ayant déjà, conformément à la grande réforme du Code pénal de 1 994.

En fait, « le problème c'est que les détenus ne peuvent exercer (leur droit de vote, ndlr) concrètement. C'est très compliqué quand on est enfermé, il faut faire beaucoup de démarches qui sont compliquées et il faut ensuite, une fois qu'on est inscrit sur une liste électorale à l'extérieur, donner une procuration », a-t-il confié à Sputnik. Par ailleurs, il est avéré qu'il y a très peu de détenus demandant la permission d'aller voter.

Pour remédier à cet état des choses, la RDL appelle à rendre la procédure plus transparente, afin que ce droit puisse s'exercer:

« Dans une démocratie normale et, a fortiori, la France qui donne des leçons de droit de l'homme à tout le monde, il faut que ces personnes qui ont le droit de vote puissent voter comme n'importe qui dans la vie normale, d'autant plus que cela représente également un intérêt du point de vue de la réinsertion. »

Concernant les détenus qui n'ont jamais été citoyens et qui votent pour la première fois à 25 — 30 ans, la possibilité de voter constitue pour eux « une façon de s'exprimer politiquement » et de se sentir impliqué dans la société « même s'ils n'ont qu'une voix ».
D'après M. Korber, cela permettrait en outre d'éviter la radicalisation:

« Sans être concernés par la vie de la société, ces jeunes sont rejetés et exclus. (…) Donc, c'est probablement aussi un moyen de changer la mentalité des personnes détenues. »

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Par ailleurs, en Europe, la Cour européenne des droits de l'homme considère que l'interdiction générale et automatique du droit de vote des détenus est une privation des droits politiques incompatible avec les exigences de la démocratie. Néanmoins, plusieurs États prévoient une telle possibilité, dont le Royaume-Uni, ce qui a suscité l'arrêt Hirst de 2005 de la Cour européenne des droits de l'homme.

Pour rappel, dix-neuf pays européens n'appliquent aucune restriction au droit de vote des détenus, y compris l'Albanie, Chypre, la Croatie, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, l'Irlande, la Lettonie, la Lituanie, la Macédoine, la République tchèque, la Serbie, la Slovénie, la Suède et la Suisse. Sept États prévoient la suppression automatique du droit de vote pour tous les détenus condamnés qui purgent une peine de prison, notamment la Bulgarie, l'Estonie, la Hongrie et le Royaume-Uni. Les seize États restants, parmi eux l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, la France, la Grèce, le Luxembourg, Malte, Monaco, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie et la Slovaquie, forment une catégorie intermédiaire dans laquelle la privation du droit de vote est appliquée en fonction du type d'infraction et/ou à partir d'un certain seuil de gravité de la peine privative de liberté (lié à sa durée). La législation italienne en la matière se rapproche des systèmes de ce groupe de pays.

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