Y-a-t-il vraiment un danger pour les étrangers, comme le prétend ce chef-d'œuvre? Allons donc voir.
Les Russes approchent
La première partie du film en question est totalement consacrée à l'analyse des évènements qui ont eu lieu à Marseille durant l'été 2016 où de nombreux heurts ont éclaté entre plusieurs centaines de Russes et quelques milliers de Britanniques. À en croire le réalisateur du film, des foules de fans britanniques ont inondé la ville française, criaient et dégradaient les sites sans savoir quels problèmes les attendaient face aux supporters russes.
Le metteur en scène a pris pour témoins des intellectuels soignés dans les yeux desquels on peut lire « l'étendue des horreurs vécues ». Où sont donc passés tous ces fans britanniques rouquins tatoués qu'on pouvait voir à Marseille lors des affrontements?
« Les Russes agissaient comme s'ils assistaient à une opération militaire », se lamente l'un des témoins, un gars fort sympathique avec des lunettes que, sans aucun, la violence répugne.
L'auteur donne notamment l'exemple des commentaires privés de Vladimir Markine (occupant à l'époque le poste de directeur de la presse du Comité d'enquête de la Fédération de Russie, ndlr), puis il essaie de lier directement des fans faisant du tapage à Marseille avec le président russe via le chef de l'Association russe des supporters Alexandre Chaprikyn.
M. Statzer n'a pas hésité à venir à Moscou pour voir de ses propres yeux à quel point le voyage en Russie pouvait être dangereux pour les étrangers.
Comme par hasard, se trouvant dans un taxi moscovite, il devient témoin de débats sur ce sujet au cours desquels un interlocuteur invisible lui met la pression: « Oui, chez nous on n'aime pas les étrangers ».
Une évolution autour du football
En outre, au lieu de parler de l'évolution du football en Russie, l'auteur du film glisse des séquences montrant les activités des saoulards des années 90. Soi-disant pour montrer comment vivait le pays avant l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine qui, par son exemple, a tout changé.
Par ailleurs, M. Statzer invite en tant qu'expert l'ancien leader du mouvement des supporters du club moscovite « Spartak » Vasya Killer. Ce dernier déplore avec regret devant la caméra de ne pas avoir été présent aux côtés des fans russes à Marseille. M. Killer fait remarquer que des hooligans russes agissant en minorité avaient tout de même pu apprendre les bonnes manières aux Britanniques. Il ajoute en plaisantant qu'ils poursuivraient « l'ordre de Poutine ».
L'auteur du film a même pu retrouver dans un coin perdu de la Russie des participants russes aux évènements marseillais. Ces braves gars membres du groupement de fans Orel Butchers se ventent devant l'écran de leur trophée — un drapeau britannique — et racontent l'agression des supporters du Perfide Albion: « Ils avaient dans leurs mains des bouteilles de bière… qu'ils s'apprêtaient à jeter ».
Où est Marseille et où est Moscou
Il est tout de même bien curieux qu'en parlant du comportement des fans russes à Marseille la veille de la Coupe du monde de football en Russie le documentaliste britannique n'aborde pas du tout les problèmes des cas similaires en Russie. De même, qu'il ne révèle pas l'histoire des relations des supporters avec la police.
On ne connaît pas vraiment les raisons qui ont conduit les hooligans à exporter les bagarres de masse dans les forêts et même… hic… d'éteindre leurs portables en route (on peut également voir cette scène dans le film, ndlr).
Il donne toutefois une brève explication: des fans qui auraient violé les règles de bonne conduite au stade ont été interdits de tout évènement sportif pour un délai déterminé.
En même temps, les experts policiers soulignent que les troubles sur la place Manejnaya à Moscou qui ont suivis la diffusion du match entre la Russie et le Japon en 2002 pourraient être considérés comme un « Marseille russe ».
Les détachements spéciaux de la milice (OMON) se sont montrés depuis très efficaces pour encadrer les foules de supporters en colère.
La veille des événements sportifs, de nombreuses mesures sont prises pour assurer la sécurité. Par exemple, on interdit de vendre de l'alcool ou des boissons en bouteilles aux abords des stades ou lors des fêtes avec des rassemblements importants.
Les ultras de différentes équipes sont placés à bonne distance les uns des autres lors des matches ainsi qu'à la sortie des stades, ce qui oblige les bagarreurs à quitter la ville.
Cependant, tout cela n'a pas été mentionné dans le film. Pourtant on peut parfaitement bien voir des séquences de bagarres en France. Pour des agents de sécurité et des fans russes il s'agit, avant tout, d'une mauvaise organisation.
« C'est un fiasco pour les organisateurs de l'Euro 2016 et les services spéciaux français. Il était inadmissible d'autoriser plus de 50 000 fans britanniques remplis de bière à se rassembler sur un territoire minuscule sur le port », explique M. Killer.
Après le visionnage de ce film on pourrait penser que la sécurité lors des matchs de football en Russie est limitée à des chaînes de policiers avec leurs bergers allemands. Et si la préparation de la Coupe du monde en 2018 ne se résume qu'à la construction de stades.
Cependant, le travail en amont avec les supporters russes et étrangers se fait sur la base des principes européens et des accords.
« Nous avons un bon exemple. Ainsi, après l'Euro 2016, sur le territoire de la Russie l'identité de 146 personnes des 12 régions du pays qui avaient participé aux évènements marseillais a été établie. Un travail prophylactique a été mené avec chacun d'eux. Les deux prochaines années, ces gens-là seront sous le contrôle des services spéciaux de la police russe », explique le lieutenant-colonel Isaev.
Un institut de « spotters » sera également mis en place. Les spotters sont des policiers étrangers qui viennent avec l'équipe-hôte. Leur mission consiste à repérer les fans violents et à réagir au plus vite avec des policiers russes pour éviter toute situation conflictuelle.
À quoi doivent donc s'attendre les étrangers se rendant en Russie?
La réponse à la question clé de ce film est donnée par le représentant du groupement des fans de Rostov-sur-le Don, qui se tient en face du stade en construction avec un masque sur le visage.
« Pour certains ce sera la fête du football et pour beaucoup d'autres, la violence », fait remarquer le jeune homme, soulignant que les bagarreurs pourraient toujours s'éloigner de la foule pour gagner la forêt.
Dans une autre scène, un supporter à l'entrée du stade cite le prince russe Alexandre Nevskiy: « Qui vient chez nous avec une épée, y trouvera la mort », faisant allusion au fait que les « hooligans » russes n'ont pas l'intention d'attaquer les premiers.
Présenté de cette façon, ce film ne donne aucune réponse sur les dangers qui peuvent guetter les étrangers qui viendront assister à la Coupe du monde de football 2018 en Russie. Cependant, il laisse des arrière-goûts fort désagréables après la rencontre avec des gens barbus et peu hospitaliers.
« Je suis sûr que la Coupe du monde de football sera à la hauteur. Grâce à une bonne organisation, y compris des agents de sécurité qui ont une riche expérience et savent apprendre de leurs erreurs. Des mesures de prophylaxie ont déjà été mise en place. Toutes les personnes raisonnables regarderont les matchs à la télévision, ou bien ils se rendront au stade avec leurs familles pour soutenir paisiblement l'équipe russe et voir un football de qualité », conclut M. Killer.
Le 16 février, la chaîne de télévision britannique BBC2 a diffusé un documentaire intitulé « L'armée des hooligans russes ».
L'ambassade russe au Royaume-Uni a déclaré que le film en question avait pour but de ternir l'image de la Russie aux yeux de la communauté internationale.
Gianni Infantino, président de la Fédération internationale de football (FIFA), avait auparavant évoqué le problème du hooliganisme et des menaces qui planent sur l'édition 2018 de la Coupe du monde en Russie, déclarant avoir pleinement confiance dans les autorités russes.
Le journal britannique The Guardian a notamment publié un article affirmant que les fans russes se proposaient d'organiser un « festival de violence » lors du Mondial 2018 en Russie. Le média a même cité l'ancien leader des supporters de l'équipe de football du Spartak Moscou, Vassili Stepanov, ce dernier a pourtant démenti avoir menacé d'organiser des troubles. Il a au contraire promis à tous ceux qui viendront en Russie un accueil chaleureux de la part des fans russes. Ses propos reproduits dans la publication du Guardian étaient ainsi sortis de leur contexte.
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