Les propos du président américain Donald Trump sur le caractère « obsolète » de l'Otan et un retrait possible des États-Unis de l'Alliance ont tellement fait peur au Vieux continent que ce dernier envoie déjà des signaux clairs sur sa solvabilité bien avant le sommet de l'organisation en mai prochain.
Son indignation est tout à fait compréhensible. Alors que les membres de l'Alliance doivent accorder à la défense au moins 2 % de leur PIB par an, cet engagement n'est respecté que par 5 des 25 pays de l'organisation. Les États restants n'entreprennent même aucune mesure pour s'acquitter de leurs dettes accumulées, dont le volume reste très important. Ainsi, les dépenses pour l'Otan se sont chiffrées en 2015 à 1,2 % du PIB en Allemagne, à moins de 1 % en Italie et à 1,8 % en France. En moyenne, l'apport des pays de l'Alliance s'est chiffré à près de 1%, alors que certains ont dépensé seulement 0,4 %. En mars 2016, une étude commandée par le Parlement européen a établi les faits suivants: afin de couvrir la dette existante, l'Allemagne devrait payer 31 milliards de dollars, l'Italie 20 milliards et l'Espagne 15 milliards. Les dettes néerlandaise et belge sont plus modestes: 7,5 et 5,5 milliards respectivement. En Belgique, il s'agit tout de même de 10 % du budget national.
Selon les experts, Trump dispose d'au moins deux moyens pour obliger l'Europe à payer et réduire la part des dépenses américaines. Tous les deux semblent assez radicaux. Le premier est de menacer d'exclure les pays endettés de l'article 5 du statut de l'Otan prévoyant une réponse collective de tous les États du bloc en cas d'agression contre un de ses membres. Une telle menace, même hypothétique, devrait être très efficace par rapport aux pays de l'Europe de l'est.
Le deuxième moyen a été expliqué dans les pages du Wall Street Journal par Melvyn Krauss, expert de la Hoover Institution: « Le pas le plus important que l'Europe pourrait entreprendre pour avoir une influence sur la politique étrangère de Trump est de payer et d'octroyer plus d'agent pour la défense commune assurée par l'Otan ». En même temps, l'Europe pourrait offrir à Trump un deal: lier l'augmentation des dépenses militaires au maintien des sanctions antirusses.
L'absurdité de la situation réside dans le fait que contrairement à l'Europe de l'est, la Maison blanche ne considère pas Moscou comme le danger réel qu'avait pu représenter par le passé l'Union soviétique pour les USA. « C'est l'Iran qui incarne aujourd'hui cette menace », a souligné le président américain dans une interview à Fox News, tout en évitant de répondre clairement à la question sur la possibilité d'un affrontement ouvert entre Washington et Téhéran: « Nous n'avons jamais parlé d'un recours à nos forces militaires ». Lors du prochain sommet de l'Otan, le président américain fixera l'agenda que l'Alliance atlantique devrait, selon lui, suivre si elle recevait des fonds américains. Ce plan devrait inclure l'intensification de la lutte contre Daech et l'opposition aux projets militaires de l'Iran. En ce qui concerne la future politique russe de l'organisation, beaucoup de choses dépendent des ententes qui seront obtenues lors de la prochaine rencontre des leaders russe et américain — elle aura certainement lieu avant la réunion de l'Otan.
Pour le moment, les dirigeants de l'Alliance mettent en œuvre les engagements pris avant l'élection de Trump: la présence des forces de l'Otan en Méditerranée et le transfert de matériel militaire vers l'Estonie, la Lettonie et la Pologne. Les leaders de l'Otan ne peuvent ignorer la volonté du "sponsor" principal — le président américain — de trouver un terrain d'entente avec Moscou et de se mettre d'accord sur des actions antiterroristes communes au Moyen-Orient. "C'est pourquoi l'Alliance tente actuellement d'éviter de nouvelles aggravations dans son dialogue avec le Kremlin et reste dans l'expectative avant le sommet de mai", estime le Wall Street Journal. D'après les experts, cela explique également l'annulation de la rencontre entre les dirigeants de l'Otan et les responsables ukrainiens consacrée au bouclier antimissile américain.
L'influence évidente et importante de l'agenda de Trump sur les décisions européennes en politique étrangère irrite visiblement Berlin. Sigmar Gabriel, nouveau ministre allemand des Affaires étrangères, a appelé ses collègues européens à « ne pas rester tétanisés en attendant les décisions de Washington ». « Nous devons agir en faisant front commun pour jouer un rôle important dans la politique internationale », a souligné le ministre allemand, comptant sur la formation d'une fronde antiaméricaine. Il semble pourtant que personne n'ait sérieusement prêté l'oreille à ses propos.
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