« Cette voile serait fabriquée en graphène — une pellicule de carbone très fine, légère et à la fois très solide. Certes, il faudra encore la fabriquer et la recouvrir d'un matériau réfléchissant mais de nombreux grands exploits de l'humanité ont justement été possibles parce que nous avons réussi à franchir des obstacles insurmontables. Prochainement, nous pourrions entrer dans une époque où l'humanité saura quitter son système solaire et commencera à étudier les exoplanètes grâce à de telles sondes », a déclaré René Heller de l'Institut de recherche sur le système solaire à Göttingen ( Allemagne ).
L'idée consiste à envoyer vers des planètes lointaines non pas des vaisseaux spatiaux classiques mais des constructions extrêmement légères et plates faites de matériaux réfléchissants qui seront lancées à des vitesses proches de celle de la lumière grâce à un puissant laser orbital.
Selon les prévisions des physiciens américains, un tel « voilier » interstellaire pourrait atteindre Alpha Centauri en 20 ans et rejoindre Mars depuis la Terre en seulement trois jours sans charge utile — en un mois avec une charge de 10 tonnes. Dans les deux cas, le principal problème serait posé par le freinage de la sonde: l'équipe qui l'a inventée n'a encore aucune idée de comment assurer l'arrêt du « voilier » laser.
Les membres du projet Breakthrough Starshot ont donc l'intention de mener cette mission en prenant exemple sur le rapprochement de la sonde New Horizons de Pluton: une flotte de « voiliers » stellaires microscopiques lancés grâce aux lasers passera simplement à côté d'Alpha Centauri et tentera d'envoyer ses photos vers la Terre.
Deux célèbres astronomes allemands, René Heller et Michael Hippke, proposent une solution alternative pour le voyage vers Alpha Centauri, qui demandera plus de temps mais permettra d'y envoyer 10 fois plus de chargement, de se placer dans l'orbite de ce triple système stellaire et, si besoin, revenir vers la Terre.
Il s'agirait de fabriquer une voile solaire géante d'environ 100 000 m² à partir du matériau très léger qu'est le graphène, de fibres de nanotubes et d'autres substances « plates ». Selon les prévisions de Hippke et de Heller, une telle construction — équivalente à deux pyramides de Khéops en superficie ou à une douzaine de stades de football — serait capable d'élancer la microsonde de 10 grammes jusqu'à 20 % de la vitesse de la lumière.
Comment effectuer un tel freinage ? Il faudrait « simplement » tourner la voile solaire de manière à ce qu'elle reçoive la lumière d'Alpha Centauri B et non du Soleil. A l'issue de la manœuvre, les chercheurs comptent retourner la voile et utiliser la lumière d'Alpha Centauri B pour voyager jusqu'à Proxima b, une planète du système Alpha Centauri. Selon les prévisions des spécialistes, ce processus demandera encore environ 46 ans et, 140 ans après son lancement depuis la Terre, la sonde entrera dans l'orbite de la planète.
Pourquoi faire tout cela, compte tenu des délais extrêmement longs du voyage de tels "voiliers"? Michael Hippke explique qu'en réalité de tels délais de mission ne sont pas extraordinaires ou atypiques pour la cosmonautique terrestre — par exemple, les sondes Voyager ont passé au total dans l'espace seulement deux fois moins de temps que le délai prévu pour cette expédition vers Alpha Centauri.
Comme le rapporte l'université de Puerto Rico à Arecibo, Hippke et Heller sont actuellement en négociations avec les représentants de Breakthrough Starshot pour une éventuelle intégration de leur projet dans les plans à long terme de la fondation de Milner. A titre de solution alternative, ils suggèrent d'accélérer les nanosondes de Breakthrough Starshot à l'aide du Soleil, en les lançant dans l'espace à proximité de notre étoile et non à l'aide d'un laser de phase coûteux et potentiellement dangereux pour les sondes.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.