Astana, nouveau centre mondial de résolution des crises?

© AP Photo / Sergei GritsMoscou, Téhéran, Ankara s’engagent à faire un distinguo entre opposition et terroristes
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Succès pour le premier round de pourparlers D’Astana : la trêve est reconduite entre le gouvernement syrien et l’opposition. Le trio Russie-Turquie-Iran a démontré son efficacité, mais Astana concrétise surtout la pertinence d’une vision multipolaire du monde et peut-être la naissance de l’Eurasie comme pôle de résolution des conflits.

Fin septembre 2015, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, le président du Kazakhstan Noursoultan Nazarbaïev prend la parole. Il mentionne dans son allocution trois points importants: 1) Les sanctions contre des pays n'ont pas lieu d'être à notre époque. 2) Le monde a énormément changé depuis la création de l'ONU et surtout depuis les dernières années et enfin 3) Compte tenu de tous ces changements, il a proposé de transférer le siège de l'ONU de New York vers l'Asie.

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Certains analystes avaient pris ces propos de haut, pourtant en janvier 2017, l'attention internationale était bel et bien axée sur Astana, la capitale kazakhe. Pour la première fois depuis bien longtemps, se réunissaient dans une même salle — et non à différents étages — les représentants du gouvernement syrien et ceux des groupes armés, dits de l'opposition. Ils se rencontraient avec les représentants des pays-garants de la trêve entrée en vigueur le 30 décembre dernier, à savoir le trio Russie-Turquie-Iran. Le Kazakhstan, en tant que pays hôte des discussions, était bien évidemment aussi représenté par son ministère des Affaires étrangères. L'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie Staffan de Mistura a lui aussi fait le déplacement, sans oublier l'ambassadeur des États-Unis au Kazakhstan, en qualité d'observateur.

Ce fut loin d'être facile et il fallait s'y attendre. Pas facile de s'asseoir à la même table (même très large) après plus de six ans d'affrontements. Si Bachar Jaafari, qui dirige la délégation gouvernementale syrienne, a gardé son sang-froid, la tension était palpable du côté de l'opposition armée, moins rompue à la diplomatie. Les accusations ont fusé, notamment en direction de l'Iran, mais la diplomatie a finalement prévalu. De l'aveu même du représentant de l'ONU, la Russie a joué un grand rôle à ce niveau.

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Que faut-il donc retenir de ces deux jours de discussions dans la capitale kazakhe? Tout d'abord que la trêve est prolongée. Et c'est l'essentiel. Au moment où la priorité est de lutter contre les groupes terroristes Daech et Front Fatah al-Cham (ex Al-Nosra), ce résultat ne peut être qu'à saluer. En même temps, il confirme que les chefs de plusieurs groupes armés anti-Assad ont compris qu'il est aujourd'hui temps de négocier avec le gouvernement syrien. Bien que les groupes armés présents à Astana représentent encore plusieurs dizaines de milliers de combattants (près de 60 000 selon les données du ministère russe de la Défense), leur contrôle sur le territoire syrien est désormais fort réduit, surtout depuis la libération d'Alep. Autre point clé: l'influence de plus en plus positive de la Turquie. Qu'on le veuille ou non, les faits parlent d'eux-mêmes: toutes les précédentes trêves négociées sous les auspices américains n'ont jamais duré plus de quelques jours, les USA de l'administration Obama ne souhaitant apparemment pas remplir leurs engagements. Celle du 30 décembre, négociée grâce à la coordination russo-irano-turque, reste globalement respectée. Et c'est positif.

Par ailleurs, et c'est tout aussi important, le communiqué final d'Astana insiste sur le respect de la souveraineté, de l'indépendance et de l'unité de la République arabe syrienne. Il mentionne explicitement que la Syrie est un État multiethnique, démocratique et non confessionnel. Ce dernier point posait problème aux représentants des groupes armés, qui sont nombreux à être islamistes, mais vraisemblablement ils vont devoir s'y faire.

En outre, un mécanisme tripartite de contrôle du cessez-le-feu sera mis en place par les pays garants, la même troïka: Russie, Turquie, Iran. Le communiqué souligne également la nécessité urgente de multiplier les efforts pour relancer les pourparlers conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l'ONU. Enfin, les trois pays déjà cités se sont mis d'accord à combattre ensemble (!) les réseaux terroristes de Daech et d'Al-Qaida. Si dans le cas russo-iranien, c'était déjà le cas, le fait de voir la Turquie se joindre à ces efforts est une vraie nouveauté, bientôt suivie d'effet: depuis quelques jours, les aviations russes et turques ont bombardé ensemble les positions de Daech, près de la ville d'Al-Bab, non loin de la frontière turco-syrienne.

Naturellement, les participants n'ont pas manqué de remercier la présidence du Kazakhstan pour avoir assuré toutes les conditions nécessaires au bon déroulement des discussions. Bref, le résultat d'Astana est assez impressionnant et ouvre sérieusement la voie à de nouvelles sessions de négociation, dont celle de Genève, censée se tenir le 8 février prochain. Avant cela, il est prévu que des représentants de l'opposition syrienne se rendent à Moscou.

Beaucoup de défis encore à surmonter, notamment dans la lutte antiterroriste, mais l'heure est effectivement à l'optimisme. Quant à Astana, elle aura prouvé que la multipolarité est bien une réalité qu'il est aujourd'hui simplement ridicule de nier. Elle aura prouvé aussi que nous pouvons faire beaucoup dans le cadre eurasiatique, sans faire appel aux élites occidentales, tout en ne fermant pas la porte aux autres intéressés potentiels. Au-delà des questions régionales, l'Eurasie deviendra-t-elle une plateforme efficace pour résoudre d'autres conflits en divers endroits du monde? Rien n'est à exclure.

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