Fin septembre 2015, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, le président du Kazakhstan Noursoultan Nazarbaïev prend la parole. Il mentionne dans son allocution trois points importants: 1) Les sanctions contre des pays n'ont pas lieu d'être à notre époque. 2) Le monde a énormément changé depuis la création de l'ONU et surtout depuis les dernières années et enfin 3) Compte tenu de tous ces changements, il a proposé de transférer le siège de l'ONU de New York vers l'Asie.
Ce fut loin d'être facile et il fallait s'y attendre. Pas facile de s'asseoir à la même table (même très large) après plus de six ans d'affrontements. Si Bachar Jaafari, qui dirige la délégation gouvernementale syrienne, a gardé son sang-froid, la tension était palpable du côté de l'opposition armée, moins rompue à la diplomatie. Les accusations ont fusé, notamment en direction de l'Iran, mais la diplomatie a finalement prévalu. De l'aveu même du représentant de l'ONU, la Russie a joué un grand rôle à ce niveau.
Par ailleurs, et c'est tout aussi important, le communiqué final d'Astana insiste sur le respect de la souveraineté, de l'indépendance et de l'unité de la République arabe syrienne. Il mentionne explicitement que la Syrie est un État multiethnique, démocratique et non confessionnel. Ce dernier point posait problème aux représentants des groupes armés, qui sont nombreux à être islamistes, mais vraisemblablement ils vont devoir s'y faire.
En outre, un mécanisme tripartite de contrôle du cessez-le-feu sera mis en place par les pays garants, la même troïka: Russie, Turquie, Iran. Le communiqué souligne également la nécessité urgente de multiplier les efforts pour relancer les pourparlers conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l'ONU. Enfin, les trois pays déjà cités se sont mis d'accord à combattre ensemble (!) les réseaux terroristes de Daech et d'Al-Qaida. Si dans le cas russo-iranien, c'était déjà le cas, le fait de voir la Turquie se joindre à ces efforts est une vraie nouveauté, bientôt suivie d'effet: depuis quelques jours, les aviations russes et turques ont bombardé ensemble les positions de Daech, près de la ville d'Al-Bab, non loin de la frontière turco-syrienne.
Naturellement, les participants n'ont pas manqué de remercier la présidence du Kazakhstan pour avoir assuré toutes les conditions nécessaires au bon déroulement des discussions. Bref, le résultat d'Astana est assez impressionnant et ouvre sérieusement la voie à de nouvelles sessions de négociation, dont celle de Genève, censée se tenir le 8 février prochain. Avant cela, il est prévu que des représentants de l'opposition syrienne se rendent à Moscou.
Beaucoup de défis encore à surmonter, notamment dans la lutte antiterroriste, mais l'heure est effectivement à l'optimisme. Quant à Astana, elle aura prouvé que la multipolarité est bien une réalité qu'il est aujourd'hui simplement ridicule de nier. Elle aura prouvé aussi que nous pouvons faire beaucoup dans le cadre eurasiatique, sans faire appel aux élites occidentales, tout en ne fermant pas la porte aux autres intéressés potentiels. Au-delà des questions régionales, l'Eurasie deviendra-t-elle une plateforme efficace pour résoudre d'autres conflits en divers endroits du monde? Rien n'est à exclure.
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