Chômage : la posture de l’imposture

© AFP 2024 Pascal Guyot Pôle Emploi
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Le gouvernement, le Président de la République, et même un ancien Premier-ministre, entonnent depuis ces derniers jours des couplets de victoire au sujet du chômage. Ils se réjouissent bruyamment de ce qu’ils appellent la « baisse » du chômage, qui n’est que celle de la trop fameuse « catégorie A ».

Ce que nous connaissons aujourd'hui est — au mieux — un mouvement de stabilisation de la hausse du chômage. Et il ne peut en être autrement, avec la croissance atone (sans doute 1,2% pour 2016, voire un peu moins) que nous connaissons. On a montré l'imposture de cette posture. Il convient cependant d'aller plus loin.

Ce qui se cache derrière les catégories

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L'imposture, on l'a dit, vient de ce que seuls les chiffres de la catégorie « A » sont retenus. Or les données qui sont présentées en France tous les mois ne sont pas celles du « chômage » mais uniquement celles des « demandeurs d'emploi ». Il faut, de plus, considérer ces données comme un indicateur du chômage « à minima » mais non comme une réalité. Ces données sont, on l'a souvent dit, réparties en diverses catégories, dont, bien entendu la « catégorie A ». Cette catégorie ne comptabilise que « demandeurs d'emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi, sans emploi ». Or, les catégories « B » et « D » des comptes de la DARES semblent toutes aussi pertinentes:

1. Catégorie B: demandeurs d'emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi, ayant exercé une activité réduite courte (i.e. de 78 heures ou moins au cours du mois);

2. Catégorie D: demandeurs d'emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi (en raison d'un stage, d'une formation, d'une maladie, d'un congé maternité,…), sans emploi;

On conçoit que quelqu'un ayant travaillé moins de 78h dans le mois corresponde en réalité à un chômeur, tout comme un demandeur d'emploi non tenu de faire des actes positifs de recherche d'emploi. Regardons alors l'évolution des chiffres depuis le début de 2016:

Tableau 1

Chiffres des demandeurs d’emplois, en milliers. France métropolitaine.

Corrigés des variations saisonnières

 

A

B

D

janv.-16

3 552,6

709,4

273,5

févr.-16

3 591,0

706,4

273,5

mars-16

3 531,0

720,2

273,1

avr.-16

3 511,1

722,2

280,6

mai-16

3 520,3

716,2

294,4

juin-16

3 525,7

718,8

303,9

juil.-16

3 506,6

735,5

308,9

août-16

3 556,8

725,5

325,2

sept.-16

3 490,5

738,5

324,7

oct.-16

3 478,8

728,8

324,2

nov.-16

3 447,0

727,5

338,3

Données de la DARES

Le total pour la catégorie « A » correspond bien à une diminution de 105 600 demandeurs d'emplois. Mais, de janvier à novembre 2016, la catégorie « B » a augmenté de 18 100 personnes, et la catégorie « D » de 64 800 personnes. Ainsi, l'ensemble pertinent pour mesurer le « chômage » n'a donc diminué que de 22 700 personnes. Il est ici évident que l'accroissement des « stages », payés par le gouvernement, est l'une des causes principales de la baisse de la catégorie « A ». Au total, depuis 2013, la politique de François Hollande, Président « socialiste » a engendré un accroissement de 600 000 personnes dans ces catégories représentatives du chômage.

Un peu glorieux tour de passe-passe

Dans le même temps, les catégories considérées comme représentatives du « quasi-chômage » ont elles connu un accroissement important. C'est le cas de la catégorie des temps partiels contraints, ou catégorie « C », qui a vu le nombre de personnes s'accroître de 103 600, mais aussi, plus faiblement, de la catégorie « E », soit celle des emplois aidés. Cette dernière s'est accrue de 2300 personnes. Il faut ici noter que l'on avait connu une forte hausse de janvier à septembre (+ 11 900 personnes), mais que cette catégorie connaît une forte baisse dans les deux derniers mois (-9 600 personnes).

Tableau 2

Evolutions des catégories « C » et « E », en milliers.

France métropolitaine

Données corrigées des variations saisonnières

 

C

E

janv.-16

1 197,7

422,0

févr.-16

1 165,4

422,7

mars-16

1 202,9

424,2

avr.-16

1 163,7

422,1

mai-16

1 191,8

428,9

juin-16

1 190,1

431,1

juil.-16

1 200,0

431,3

août-16

1 235,9

432,4

sept.-16

1 251,2

433,9

oct.-16

1 253,2

429,9

nov.-16

1 301,3

424,3

L'ampleur du nombre des temps partiels contraints frappe à la lecture du tableau 2. Il s'agit, pour l'essentiel, d'emplois dans les services et le commerce. Ce sont ces emplois qui fournissent la grosse majorité des « travailleurs pauvres » en France, mais ce sont aussi dans ces emplois que l'on rencontre le plus des conditions de travail scandaleuses, comme c'est le cas avec cette caissière d'Auchan qui a fait une fausse-couche faute de pauses.

En fait, le total des demandeurs d'emplois toutes catégories confondues, s'établit aujourd'hui à 6,249 millions de personnes, ce qui représente un triste record historique. La montée du « quasi-chômage » en proportion du « chômage » correspond par ailleurs à la tendance actuelle à la fragilisation générale de l'emploi.

Les effets du chômage de masse

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Il convient alors de remarquer que les chiffres du chômage et du quasi-chômage se traduisent, aussi, en une détérioration rapide des conditions de travail et du droit du travail. J'avais eu l'occasion de me pencher sur la question avec Raphael Dalamasso, chercheur associé au Centre d'Étude de l'Emploi et maître de conférences en droit du travail à l'université de Lorraine, lors d'une de mes émissions sur Radio-Spoutnik. En réalité, la dégradation du travail, et du droit du travail, est une réalité massive en France, et elle va de concert avec le chômage. Ce qui provoque le chômage n'est pas une quelconque « rigidité » du contrat de travail mais bien le coût du travail, comparé aux autres pays, et en particulier à l'Allemagne, dans le cadre de l'Euro. Il faut ici rappeler qu'une étude du FMI datant de juin dernier estimait que l'Euro sous-évaluait les coûts pour l'Allemagne d'environ 15% quand, dans le même temps, il surévaluait ces mêmes coûts de 6% pour la France. L'écart de compétitivité est donc de 21% (et pour l'Italie, sans doute d'au-moins 25%).

La seule solution face au chômage de masse n'est donc pas de s'attaquer toujours plus à notre droit du travail, mais bien de s'attaquer à l'Euro. De nombreux économistes aujourd'hui le disent comme les Prix Noble Oliver Hart, Joseph Stiglitz (1), Christopher Pissarides, ou comme Peter Bofinger, Heiner Flassbeck, Hans Werner Synn, ou Alfred Steinherr en Allemagne, Brendan Brown, Rendall Wray et Mark Weisbrot dans le monde anglo-saxon. Il est plus que temps qu'ils soient entendus. La poursuite de l'Euro plonge, et cela chaque jour un peu plus, le pays dans la misère mais aussi dans une oppression insupportable, pour les individus comme pour la collectivité nationale.


1. Stiglitz J.E., L'Euro: comment la monnaie unique menace l'avenir de l'Europe, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2016.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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