Un choix fort en symboles, Bernard Cazeneuve a réservé son premier déplacement en tant que chef du gouvernement aux soldats de l'opération Barkhane, la force française déployée au Sahel dans le cadre de la lutte anti-djihadiste et dont le QG se trouve à N'Djamena au Tchad. Le Premier Ministre semblant ainsi, dans la continuité de ses anciennes fonctions de Ministre de l'Intérieur, inscrire les enjeux sécuritaires au cœur de son action.
Mais il est vite revenu à des considérations politiciennes, en émettant le vœu que les rallonges budgétaires allouées à l'armée sous le mandat de François Hollande s'inscrivent dans la durée. « Notre pays devra continuer à faire des choix budgétaires ambitieux et lucides au profit de nos armées » a déclaré Bernard Cazeneuve, ajoutant qu'« aucun gouvernement ne pourra jamais s'exonérer d'une telle responsabilité ». Le Premier Ministre expliquant, non sans reprendre les mots du Président, que la France devait se « préparer à une guerre longue » contre le terrorisme.
Des déclarations que juge « électoralistes » le Général (2s) Jean-Vincent Brisset, directeur de recherches à l'Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), spécialisé dans les questions de défense:
L'effort consenti en matière de Défense par la France s'élève à 3.8 milliards d'euros, répartis sur la période de 2015 — 2019. Pour l'année 2017, ce sont donc 600 millions d'euros d'augmentation factuelle (hors pensions) qui seront alloués au budget de Ballard, soient 32,7 milliards d'euros auxquels s'ajoutent 8,15 milliards au titre des pensions, analysent nos confrères de La Tribune. Un budget de la qui s'établit à 1,77 % du PIB national, contre les 2 % minimum imposés par l'OTAN.
Un budget, en hausse, sur lequel pèse le poids de la modernisation de la force de dissuasion nucléaire. Un programme au budget pharaonique de 50 milliards d'euros répartis sur 20 ans, soit 2.5 milliards d'euros par an qui s'ajoutent aux 3,3 à 3,5 milliards annuels que coûtent déjà l'équipement de la dissuasion nucléaire française (soit un peu moins de 10 % du budget de la Défense).
Des dépenses supplémentaires qui « imprègnent une grosse partie du budget » souligne Jean-Vincent Brisset:
« C'est un débat qui paraît difficile à régler, dans la mesure où il y a quand même un consensus au niveau des politiques sur la nécessité du nucléaire même si au niveau des stratèges, et des gens qui sont compétents sur le fait militaire, il y a beaucoup plus de doutes. »
Le nucléaire, ponctionne les crédits des OPEX, ou du moins ceux qui pourraient être alloués au renouvellement du matériel, désuet. Une anecdote des soldats, souvent reprise par les médias, étant que certains véhicules ont plus du double de l'âge de ceux qui les opèrent.
D'autant plus qu'au-delà de certaines opérations extérieures, que notre intervenant juge « discutables » comme la présence française au Liban (900 militaires et près d'une centaine de véhicules mobilisés), le personnel de l'armée est lourdement mis à contribution dans le cadre de l'opération Sentinelle. Mobilisés pour des opérations de réassurance de la population, les soldats n'ont plus de temps de repos ou simplement pour s'entraîner entre deux engagements. D'autant plus qu'au-delà de cette sollicitation supplémentaire du personnel, Sentinelle a également un coût financier.
« Vu du côté des militaires, l'essentiel c'est d'avoir du matériel correct en OPEX et le problème du politique c'est de faire de la communication sur Sentinelle et de faire dans le consensus sur le nucléaire. Ce n'est pas très coordonné… et ce sont les politiques qui décident ».
Des moyens toujours plus limités donc, qui vont de pair avec une sollicitation toujours plus grande de l'outil militaire tant sur le plan humain que matériel. C'est cette situation qui avait poussé le Général Pierre de Villiers — Chef d'État-major des armées — à sortir récemment de son droit de réserve « On ne gagne pas une guerre sans effort de guerre » avait-il déclaré dans les colonnes du quotidien Les Echos. Il estimait notamment que l'outil militaire français est basé sur un modèle « bon » mais « taillé au plus juste » et que « L'accélération du tempo des engagements et la multiplication des crises le mettent sous extrême tension et l'usent ».
Jean-Vincent Brisset, évoque d'autre part la « grande lassitude » des soldats du rang, notamment dû au fort absentéisme engendré par la mise en place du dispositif Sentinelle.
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