Selon lui, les engagements que la Russie a pris à l'horizon 2030 dans le cadre de cet accord impliquent principalement une réduction des émissions de gaz à effet de serre à 70 % ou 75 % de leur volume de 1990, ce qui est tout à fait possible pour l'économie russe dont les émissions ne dépassent actuellement pas 68% de ce niveau. A première vue, il n'existe donc aucun risque majeur pour les 15 années à venir et la Russie sera en mesure d'accomplir ses engagements.
Il ne faut pourtant pas oublier que l'Accord de Paris est, d'un certain point de vue, comme un achat de « chat en poche ». Il s'agit d'un texte rédigé de manière très générale dont les détails ne seront mis au point que d'ici deux ans et devrait être définitivement adopté lors de la Conférence sur le climat à Varsovie fin 2018. Cela implique au moins trois étapes de négociations climatiques lors desquelles toutes les parties défendront leurs intérêts. La Russie soutient en principe cet accord, mais ne veut pas le ratifier avant que tous les détails n'en soient définis.
Cette procédure d'évaluation devrait avoir lieu toutes les 5 ans. Au début de chaque quinquennat, les pays devront donc adopter des mesures de plus en plus strictes conformément au principe des ambitions grandissantes fixé dans l'accord.
Selon l'expert, l'Accord de Paris sur le climat a encore un vice caché: la taxe carbone. Elle confirme le rôle important du prix du carbone pour la réduction des émissions. Pourquoi? L'expérience de nombreux systèmes de vente d'émissions et notamment du modèle européen — qui est le plus important dans ce domaine — montre que les prix formés sur ces marchés ne constituent pas une motivation puissante pour réduire les émissions. Il ne s'agit donc pas visiblement d'un mécanisme de marché mais d'un outil purement fiscal, c'est-à-dire d'une taxe carbone qui, selon ses initiateurs, sera versée par les pays développés pour aider les pays en développement. On parle de taux différents: une tonne d'équivalent CO2 pourrait coûter 20 ou 30 dollars au début pour atteindre 80 voire 100 dollars dans un avenir proche.
Pour la Russie, cela pourrait entraîner des pertes économiques directes de 500 à 2 000 milliards de dollars d'ici 2030 — une somme tout simplement impossible à assumer pour l'économie russe et qui frapperait avant tout le secteur énergétique. Outre ses dommages directs, la taxe carbone pourrait priver la Russie d'une partie considérable des marchés de l'énergie européen et asiatique. Cette fiscalité pesant sur chaque mètre cube de charbon et d'hydrocarbures consommés risque de réduire drastiquement l'attractivité du combustible russe aux yeux des clients. En même temps, elle offrira un avantage sensible aux projets d'énergie renouvelable, jusqu'à présent déficitaires, en les rendant véritablement lucratifs. Ce nouveau canal de financement des énergies renouvelables permettra à l'Europe et l'Asie de les substituer en masse aux hydrocarbures, ce qui pourrait se solder par une chute des revenus d'exportation des entreprises russes du secteur du pétrole et du charbon.
Aux États-Unis, la position du Parti républicain et de Donald Trump sur la taxe carbone est connue de tous: son administration envisage de faire s'effondrer tout l'édifice des accords climatiques globaux. Les républicains affirment que « le changement climatique est loin d'être la question principale de notre sécurité nationale" et qu'il s'agit "d'une victoire de l'extrémisme sur le bon sens ».
Quels sont les risques d'une sortie éventuelle des USA de l'Accord de Paris? Formellement aucun. Mais en 2001, si le refus des États-Unis de participer au Protocole de Kyoto n'avait pas détruit cet accord, il l'avait tout de même rendu périphérique car la demande de réduction des émissions avait diminué de plusieurs fois à cause de la perte de l'énorme marché américain.
Sergueï Roguinko assure que la Russie pourrait utiliser le thème climatique comme une base de rétablissement des relations avec les États-Unis sous l'administration de Donald Trump: « Les intérêts russes sont tout à fait compatibles à la position des républicains. Aujourd'hui, la Russie est le seul acteur de la communauté internationale capable d'être partenaire de la nouvelle administration américaine dans la destruction des légendes climatiques et des schémas politiques et financiers liés à ces derniers. Il s'agit d'une coïncidence rare, pratiquement unique pour la Russie et les États-Unis, d'une chance pour les deux pays. Et nous perdrons cette chance si nos dirigeants ne font aucun pas concret vers le rapprochement et se comportent comme si rien ne s'était passé ».
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.