La pratique de la torture est revenue sur le devant de la scène depuis les attentats du 11 septembre 2001. Au nom de la sécurité, toutes les violences sont permises, et même justifiées. Certes, tout régime politique s'adonne à l'exercice de la violence pour protéger son intégrité ou la sécurité de ses citoyens. Face aux actes de terrorisme les principes de moralité fluctuent-t-ils inévitablement sous pression de la peur, de crainte d'autrui, de l'inconnu tout simplement ?
Mais quelles sont les limites de la violence qu'un État, ou tout autre groupe organisé, est en droit d'exercer? Un monde sans torture est-il concevable? C'est là toute la problématique des droits de l'homme face à un système d'autorité, et d'abord celui de l'État.
« La plupart des personnes qui sont arrêtées et qui sont soumises à la torture — considère Alexandre Vautravers — vont soit ne rien dire parce que ce sont des gens qui sont des kamikazes, qui sont des convaincus, ils n'ont pas peur de la mort, c'est la voie qu'ils ont choisie. Soit ce sont des gens auxquels on a caché les informations les plus importantes parce qu'on savait qu'il y avait des chances qu'ils soient capturés »
L'expert cite également des études qui ont été faites à l'Université de Lausanne qui se sont intéressées aux aveux dans des crimes de droit commun. D'après lui, on se rend compte que lorsque les gens sont mis sous pression — s'ils sont relativement faibles ou se trouvent dans une situation de difficulté — ils ont tendance à dire ce qu'ils pensent que les gens qui les interrogent veulent entendre. « Ainsi, la torture n'est pas une bonne solution, ce n'est pas une bonne filière de renseignement, » — conclut Alexandre Vautravers.
La tendance à l'acceptation de la torture devient de plus en plus évidente… Un autre sondage « People on War », réalisé par la Croix-Rouge sur 17 000 personnes dans 16 pays différents, a révélé que l'indifférence vis-à-vis de la torture a considérablement augmenté depuis la fin des années 1990, particulièrement dans les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies (Chine, États-Unis, Fédération de Russie, France, Royaume-Uni).
Mais tandis que la moitié des Américains pense que c'est un moyen d'obtenir des informations, les personnes qui vivent dans des pays en guerre, comme l'Afghanistan, rejettent massivement ces méthodes et font preuve d'un plus grand respect du droit international.
« La torture au pays des droits de l'homme » - est un titre d'un article dans La Croix, proposé par Patrice Berger et qui heurte le sens de la moralité. Est-ce vraiment l'atmosphère réelle de la France, de l'Europe actuelles ?
« Il faut bien se rendre compte que dans un pays comme la France ou, pourtant, la peine de mort a été abolie il y a plus de vingt ans, — donne son avis Alexandre Vautravers — encore aujourd'hui si on faisait un sondage et que l'on demandait sur certains types de crime,(je pense au viol ou aux attentats, aux agressions contre des enfants, aux crimes sexuels à répétition ou, par exemple, aux attentats terroristes), je ne serais pas surpris si aujourd'hui encore une majorité de la population française par sondage se disait finalement favorable à la peine de mort »
Pour l'expert, « dans la France qui est une démocratie représentative, il n'y a pas eu une possibilité pour la population française de voter pour se prononcer pour ou contre la torture ou la peine de mort. C'est le parlement français, c'est l'Assemblée nationale qui a décidé qu'il fallait des mesures progressistes et donc abolir la peine de mort dans les années 1980.
« Maintenant il faut se rendre compte que, — poursuit Alexandre Vautravers —, ça contrevient à des règles et des accords internationaux signés par la France et puis deuxièmement, sur le plan de la moralité, et je dirai même sur le plan de l'utilité, on peut se poser la question de l'efficacité de la torture. »