Réforme de la légitime défense: les policiers sont-ils suffisamment formés?

© AFP 2024 Stephane de Sakutinpolice paris
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Le gouvernement a entendu les revendications des policiers: les conditions dans lesquelles ils pourront ouvrir le feu sont assouplies. Un cadre juridique nouveau qui sécurise la légitime défense. Mais avec trois entrainements de tir par ans, les policiers sont-ils vraiment prêts?

Le texte, très attendu, qui va modifier les conditions d'ouverture du feu pour les policiers est examiné ce mercredi en Conseil des ministres. Annoncé fin novembre à Evry par le ministre de l'Intérieur de l'époque, Bernard Cazeneuve, il est présenté par son successeur Bruno Le Roux. Actuellement, la légitime défense est définie par l'article 122-5 du Code pénal, et encadrée par les principes de nécessité, de proportionnalité et de simultanéité. Désormais, les policiers vont pouvoir tirer après sommation, et non plus après le principe de riposte immédiate. « C'est une très grande avancée », estime Stanislas Gaudon, du syndicat Alliance.

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« C'est une modification des textes que nous portons depuis 2012. Nous avions proposé une réécriture notamment du texte de légitime défense dans le Code pénal avec un alignement sur la législation et la réglementation notamment de l'usage des armes par les gendarmes. Pourquoi? Parce que — d'ailleurs le Conseil d'État nous a confirmé notre bien-fondé — puisqu'il fallait une uniformisation de la pratique sur le terrain et surtout il fallait sécuriser du point de vue juridique les actions de feu qui pouvaient être occasionnées par des situations parfois difficiles, extrêmement dangereuses et où le policier ne pouvait pas se permettre de réfléchir. »

Le ras-le-bol des policiers était monté d'un cran dernièrement: en octobre, des policiers étaient visés par des cocktails Molotov à Viry-Châtillon (Essonne). Des semaines de mobilisation policières [hors-syndicat] ont suivi, dans plusieurs villes de France, demandant plus de moyens, humains, matériels, et législatifs. Si le texte est validé par le parlement, le policier pourra ouvrir le feu après sommation, face à un homme qui le menace ou menace une autre personne. Les cas de figure sont multiples: immobiliser une personne, arrêter un fugitif, immobiliser un véhicule, défendre un lieu, une position, un poste. Mais pour les policiers de voie publique, les entrainements sont insuffisants estime Philippe Capon, secrétaire général de l'UNSA Police:

« Il nous faut une formation continue et initiale revue, dans le cadre des modalités d'intervention. Pour que le policier puisse intervenir dans le cadre de l'ouverture du feu, il faut absolument qu'il puisse avoir un entrainement adéquat, ce qui n'est pas forcément le cas actuellement. Il faut un entrainement plus fréquent. Actuellement, on est sur trois tirs par an. Dans certains endroits, elles se font n'importe comment. Les collègues tirent en janvier, février, mars et l'administration du ministère de l'Intérieur considère que le collègue est à jour sur ces tirs. Il faut aussi un système de formation différent, en travaillant avec des simulateurs, comme dans d'autres pays. »

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Après les attentats de novembre 2015, le port d'arme est autorisé pour les policiers hors service et sur la base du volontariat. Après les attentats contre des policiers à Magnanville en juin 2016, cette mesure est étendue au-delà de l'état d'urgence. Mais le texte actuel ne précise pas si les policiers hors service pourront faire usage de leurs armes en bénéficiant de ce nouveau cadre juridique. Le syndicat Alliance en a d'ailleurs fait la demande. Si les règles sont assouplies, ouvrir le feu n'en reste pas moins soumis au principe de l'absolue nécessité, dont l'appréciation est soumise aux magistrats. Mais ces derniers connaissent mal la réalité du terrain et les conditions de travail des policiers, selon Yann Rouchier, représentant de la Fédération professionnelle indépendante de la Police (FPIP):

« La grosse difficulté que rencontrent les policiers actuellement, c'est surtout l'interprétation qui est faite des textes d'une certaine frange de la magistrature. C'est là, la plus grosse difficulté. On peut bien faire évoluer les lois comme on veut, les derniers à juger seront les magistrats. On a fait plusieurs propositions à l'administration, dont une formation commune avec des policiers, notamment pour pouvoir appréhender ces cas. […] Sans parler d'indépendance, tant qu'on n'aura pas véritablement un travail de fond avec les magistrats, ça risque d'être toujours compliqué. »

La police insiste, ce « n'est pas un permis de tuer ». Quelques soient les situations, les policiers devront toujours effectuer une riposte « absolument nécessaire et proportionnée », fixée par la jurisprudence française et celle de la Cour européenne des droits de l'homme.

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