Pitié pour le Yémen ? Juste après avoir admis leur utilisation, l'Arabie Saoudite a annoncé qu'elle renonçait à employer des bombes à sous-munitions sur ce petit territoire de la péninsule arabique, qu'elle bombarde depuis mars 2015. Et pas n'importe quelles bombes à sous-munitions : des bombes de fabrication britannique, vendues à l'Arabie Saoudite dans les années 1980. Le ministre britannique de la Défense, Michael Fallon, l'a même admis aux députées le lundi 19 décembre.
« La pression internationale ? Je ne sais pas. Le rideau de fumée sur Alep est tellement important que ce qui se passe au Yémen passe relativement inaperçu. Ce sont des stocks en voie de diminution. Donc peut-être que ça vaut le coup d'annoncer qu'on ne va plus se servir de quelque chose que l'on a plus. […] Sur plan technique, ça sert surtout à massacrer des gens au sol, civils ou militaires. Il y en a eu un certain nombre de fabriquées, un certain nombre d'exportées. Ce sont des stocks en voie de diminution. Donc peut-être que ça vaut le coup d'annoncer qu'on ne va plus se servir de quelque chose que l'on a plus. »
L'ONU s'inquiète de son côté des cibles frappées à répétition : marchés, hôpitaux, cliniques, écoles, usines, mariages et même funérailles, une cible pouvant difficilement prêter à confusion. En octobre dernier par exemple, une « information erronée » a coûté la vie 140 personnes et blessé 525 autre, dans la Capitale Sanaa.
« Il semblerait que la coalition est responsable de deux fois plus de victimes civiles que toutes les autres forces réunies », a déclaré le Haut-Commissaire de l'Onu aux droits de l'Homme, Zeid Ra'ad Al Hussein. Il ajoute que la « quasi-totalité » d'entre elles sont victimes de raids aériens.
Ce sont aussi des armes qui peuvent être larguées un petit peu n'importe comment, dans un contexte où les civils et les militaires sont très largement mélangés, comme ça se passe à Mossoul, comme ça se passe à Alep, comme ça va se passer à Raqqa. Il y a tout un tas de conflits à l'heure actuelle où les civils et les militaires sont physiquement mélangés sur le terrain, où les armes employées tuent autant de civils que de militaires.
explique le Général Brisset.
Le ciblage à l'heure actuelle : ou bien vous utilisez des armes de précision, ou bien vous n'utilisez pas d'arme de précision. Ou bien vous avez du renseignement très précis, ou vous n'en avez pas. Si vous n'avez ni renseignement très précis, ni armes de précision, et la compétence pour les utiliser, le ciblage entre militaire et civils, dans des populations imbriquées, ça ne veut pas dire grand-chose.
Selon l'ONU, la guerre a fait plus de 7 000 morts, dont la moitié sont des civils. Le chef du gouvernement rebelle, contre qui l'Arabie Saoudite mène ses frappes, accuse les Britanniques de crimes de guerre : « J'en suis convaincu. Ils participent au bombardement du peuple yéménite. Ils savent que les Saoudiens vont larguer (leurs bombes) sur le Yémen. »
Lorsque l'opinion publique cessera de se focaliser sur Alep,
« Les médias vont changer d'intérêt, et risque à la fois de s'intéresser au nord de l'Irak et au Yémen, et à ce moment, ceux qui seront accusés de commettre des crimes ne seront plus les mêmes », conclut Jean-Vincent Brisset.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.