« Comme le ciel de l'entente franco-russe semblerait léger à côté de ces lourds nuages ! Serait-ce la raison pour laquelle le français, en Russie, n'a jamais été entaché par le sang de l'histoire ? », s'interroge-t-il d'abord. « Pourtant, le sang, hélas, a coulé entre nos deux pays et bien plus abondamment que dans les sables et les montagnes de l'Algérie. 75 000 morts en une seule journée dans la bataille de la Moskova, en 1812 ».
Mais ce début est encore inoffensif. C'est ensuite que son discours devient intéressant.
« Et la guerre froide où nos arsenaux nucléaires respectifs visaient Paris et Moscou. Et l'horrible tragédie ukrainienne aujourd'hui. Combien de cimetières, pour reprendre l'expression d'Assia Djebar (écrivaine algérienne, la première auteure nord-africaine élue à l'Académie française dont Andreï Makine reprend le siège, ndlr), les Russes auraient pu associer à la langue française ! Or, il n'en est rien ! En parlant cette langue nous pensons à l'amitié de Flaubert et de Tourgueniev et non pas à Malakoff et Alma, à la visite de Balzac à Kiev et non pas à la guerre fratricide orchestrée, dans cette ville, par les stratèges criminels de l'Otan », fustige M. Makine.
« Cette haute conception de la parole littéraire est toujours vivante sur la terre de France. Malgré l'abrutissement programmé des populations, malgré la pléthore des divertissements virtuels, malgré l'arrivée des gouvernants qui revendiquent, avec une arrogance éhontée, leur inculture. "Je ne lis pas de romans", se félicitait l'un d'eux, en oubliant que le bibliothécaire de Napoléon déposait chaque jour sur le bureau de l'Empereur une demi-douzaine de nouveautés littéraires que celui-ci trouvait le loisir de parcourir. Entre Trafalgar et Austerlitz, pour ainsi dire », s'indigne l'écrivain.
« Ces arrogants incultes oublient la force de la plume du général de Gaulle, son art qui aurait mérité un Nobel de littérature à la suite de Winston Churchill. Ils oublient, ces ignorants au pouvoir, qu'autrefois les présidents français non seulement lisaient les romans mais savaient en écrire. Ils oublient que l'un de ces présidents fut l'auteur d'une excellente Anthologie de la poésie française ».
Est-ce là une allusion à un président concret ?
L'immigré soviétique, Andreï Makine, a vécu une trentaine d'années en France. Il a été élu membre de l'Académie française en mars 2016, mais a été officiellement accepté ce jeudi 15 décembre pour occuper la place laissée vacante par la mort d'Assia Djebar.
M. Makine est né dans la ville de Krasnoïarsk. En 1988, il a déménagé en France et a commencé à publier ses textes sous un pseudonyme, les faisant passer pour des traductions du russe. En 1995, il a obtenu le Prix Goncourt et le Prix Médicis pour son roman « Le Testament français ».
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