Alep : le poids de la désinformation, le choc des mensonges. Partie 2

© REUTERS / Omar SanadikiAlep
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Les médias occidentaux décrivent des scènes d’apocalypse en parlant d’Alep Est, se basant sur des témoignages sujets à caution, comme nous l’avons analysé dans notre première partie. Une situation qui met en rage les vrais acteurs de terrain à Alep. Témoignage d’Alexandre Goodarzy, Chef de mission en Syrie pour SOS Chrétiens d’Orient.

Si les médias occidentaux citent de supposés « habitants d'Alep Est », rencontré uniquement via les réseaux sociaux, Alexandre Goodarzy, Chef de mission en Syrie pour SOS Chrétiens d'Orient, lui, les rencontre en chair et en os tous les jours. Et le tableau qu'il dresse de la situation tranche singulièrement avec celui véhiculé par les médias mainstream:​

« Hier et encore aujourd'hui, vous êtes dans la rue, c'est une célébration ce à quoi vous assistez: les gens célèbrent la libération d'Alep. On n'est pas en train de subir une chute de la ville, c'est une célébration, ce sont deux populations qui ont été séparées et qui se retrouvent, il n'est plus question d'Alep Est ou d'Alep Ouest, c'est Alep tout court ! »

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Présent sur place depuis un an et demi, Alexandre Goodarzy est à même de dresser un tableau bien plus nuancé de la situation. Si les pertes civiles dans une telle opération militaire ne peuvent être niées, il réfute les allégations selon lesquelles celles-ci sont sciemment perpétrées par l'armée régulière :

« Les seuls massacres dont on a entendu parler sont justement perpétrés par ces personnes-là qui sont encore en train de tenir les 1 ou 2 % restant du sud d'Alep. »

Travaillant dans un hôpital d'Alep Ouest, il a pu rencontrer des personnes venant d'Alep Est depuis que des milliers de civils ont pu s'échapper de l'enclave rebelle.

« Ils étaient bloqués, ils ne pouvaient pas sortir de la ville. Là, j'étais avec une dame, elle a été totalement affamée pendant 5 ans. Évidemment, on leur donnait juste du Boulgour et du riz. On voit en direct, avec la presse locale, ils rentrent dans les galeries, les tous-terrains, partout… et on voit des caches, des réserves de bouffe, on peut nourrir une population pendant des mois et des mois. C'était des cartons de l'UNICEF, des cartons d'ONG humanitaires internationales, mais dont les populations civiles étaient privées. »

Les djihadistes ne se contentaient pas de rationner la population d'Alep Est pour se réserver les approvisionnements. Il en était de même pour les soins. Alexandre Goodarzy relate le sort des hôpitaux d'Alep Est à l'arrivée des djihadistes, vidés par ces derniers et d'où ils effectuaient des tirs vers Alep Ouest, se réservant aussi l'exclusivité des soins :

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« Quand les hôpitaux sont vidés, les djihadistes se font des hôpitaux pour eux, la population civile était dépourvue de soins. »

Pour les djihadistes, le bien-être de la population était évidemment secondaire, celle-ci servant essentiellement de boucliers humains. Sinon, pourquoi les empêcher de fuir les combats, comme le signalent l'AFP et l'ONU, une information confirmée par notre correspondant ?

« J'étais dans un autre hôpital hier et les bonnes sœurs avaient rencontré des gens qui viennent se soigner, qui viennent bénéficier des soins que l'Ouest d'Alep leur offre et qui dissent: on nous a tiré dessus, je n'ai pas pu ramasser les corps de mon frère et de mon oncle. Ils ont été abattus sous mes yeux comme des chiens et je n'ai même pas pu me pencher sur leurs cadavres pour m'enfuir et c'était des terroristes qui leur tiraient dessus, ce n'était pas l'armée syrienne ! »

Des habitants « coincés » qui seraient plus de 100 000, une autre information largement reprise, sans vérification ni même examen de bon sens. Pourtant, pour vous donner une idée, il reste 2 km — de terrain à reprendre… ce qui fait donc une densité de population de 50 000 habitants au km², pulvérisant le record mondial de Manille et ses 43 079 hab/km². Pour nos lecteurs sinophiles, Alep-Est est donc quatre fois plus peuplée au kilomètre que Shanghai. Ne parlons même pas du fait que les photos des prétendus témoins direct montrent toujours des rues vides de tout civil… seuls quelques combattants y sont en général visibles.

« Ces deux kilomètres carrés là ne veulent pas se rendre, ce sont apparemment très clairement des djihadistes étrangers, de ce qui est dit ici. Ils continuent de bombarder, d'envoyer ce qu'il leur reste, du côté d'Alep Ouest ».

« Pourquoi on ne s'intéresse pas aux populations de l'Est, qui aujourd'hui grouillent dans les rues de l'Ouest? Pourquoi on ne s'intéresse pas à ces gens-là? Pourquoi on vient encore nous prendre la tête avec ce 1 % d'assassins qui refusent de foutre la paix à toute une population! À tout un pays! Et on devrait rendre hommage à ces gens-là ? C'est de l'aliénation, c'est du délire, c'est de la perversion! »

Un témoin des plus exaspéré, donc, qui s'en prend violemment aux journalists :

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« Les journalistes français, selon mon opinion, sont des menteurs! Ils savent très bien ce qui se passe ici, il y a une volonté de contorsionner la vérité! Ce que j'ai vu à Alep, je l'ai vu dans d'autres villes, cela fait un an et demi que je vis ici et j'ai vu ce que les djihadistes ont fait des hôpitaux ! »

« Je pense qu'il y a assez de personnes ici qui ont dit, et qui ont témoigné, qui ont hurlé la vérité et elle n'est pas entendue ! On s'obstine à dire que ces gens-là sont porteurs de démocratie et de droits de l'homme, et on persiste à faire passer ceux qui luttent contre cette barbarie pour des fumiers. »

Illustration parfaite de ces propos est le sort du jeune français Pierre Le Corf, pris à partie ces derniers jours par une partie de l'intelligentsia médiatique parisienne:

​« J'en tire les conclusions suivantes: il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre, pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir et à un moment donné cela devient de la perversion ! »

Alexandre Goodarzy évoque notamment les conséquences des interventions en Irak et en Libye, s'étonnant que personne n'en tire les conséquences, pire, que le cas de figure se répète la prochaine fois qu'un pays sera déstabilisé par l'étranger.

Un aveuglement qui ne touche pas que la presse. Alors que j'écris ces lignes, Anne Hidalgo, maire de Paris, a fait savoir par communiqué que ce soir 14 décembre la Tour Eiffel sera éteinte en soutien à Alep, face à la « situation insupportable » vécue par les habitants de la ville… j'ai tenu à faire réagir Alexandre Goodarzy, qui n'est visiblement pas resté insensible à l'incongruité d'une telle situation.

« C'est hypocrite […] on est en train de se battre en Afghanistan contre Al-Qaïda et ici on le soutient, mais on lui donne un autre nom. J'aimerai bien aussi qu'on éteigne la Tour Eiffel par exemple pour les frères Kouachi qui ont été abattus, pour Merah qui s'est fait flinguer ou le tueur de l'hyper-kacher, ça pourrait être aussi intéressant que d'éteindre la tour-Eiffel pour ces types-là ! »

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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