Des habitants de Mossoul se rangent sous les drapeaux de Daech

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Les rebelles sunnites de Mossoul ont infligé d'importantes pertes à la "Division d'or" d'élite des forces gouvernementales irakiennes qui avancent dans les banlieues Est de cette ville.

Les unités commandos qui attaquent Mossoul ont rencontré une résistance inattendue non seulement des extrémistes mais également des habitants. Dans plusieurs quartiers, ils ont dû passer à la défensive. Les experts soulignent que la victoire contre le groupe terroriste Daech (interdit en Russie) est impossible sans normaliser les relations entre les sunnites et les chiites.

Les rebelles locaux, en coordination avec les terroristes de Daech, ont brûlé une dizaine de véhicules tout-terrain blindés, cibles faciles pour les lance-roquettes dans les ruelles étroites de la ville. Les communiqués sur cet échec ont été publiés par les militaires américains des 81e et 101e divisions aéroportées, conseillers militaires de l'armée irakienne.

Deux semaines plus tôt, les terroristes dotés des nouveaux lance-roquettes antichars RPG-89 et Cornet (pris à l'armée irakienne en 2014) ont sérieusement inquiété les unités de la Division d'or et du corps national antiterroriste. Selon la presse locale, ils ont réussi à détruire au moins une quinzaine de chars et plus de 30 véhicules de combat d'infanterie. Les kamikazes au volant de voitures piégées — qui effrayaient même les instructeurs américains des forces d'élite — ont constitué une arme particulièrement redoutable.

Aujourd'hui les unités irakiennes sont partiellement passées à la défensive et ont changé de tactique: ils bloquent d'abord un quartier en dressant des barricades grâce à des bulldozers, puis ils ratissent chaque maison. Selon les affirmations des militaires irakiens, cela permet de limiter les pertes en personnel et au sein de la population civile. Pour l'instant, les projets du commandement restent très prudents et se focalisent sur la libération de l'Est de Mossoul — sachant qu'une résistance bien plus sérieuse est attendue dans une autre partie de la ville, située sur la rive Ouest du Tigre.

Les pertes actuelles s'expliquent par les attaques des combattants professionnels de Daech. Mais sur les images qui nous parviennent des lieux des combats, on voit clairement que les terroristes de Daech jouent le rôle de commandants et de spécialistes militaires (tireurs d'élite, opérateurs de lance-missiles, conducteurs de voitures piégées) et que la masse principale des combattants "ordinaires" est constituée d'habitants locaux armés de fusils et de lance-roquettes.

Avant le début de l'opération de libération de Mossoul le 17 octobre, les experts craignaient qu'une partie de la population de la ville se range du côté de Daech: ces craintes se concrétisent aujourd'hui à cause, notamment, des divergences religieuses.

Les sunnites, qui constituent la principale population de Mossoul, craignent la vengeance des chiites. C'est la haine de la population locale pour le régime chiite de Nouri al-Maliki qui avait permis à Daech en 2014 de prendre rapidement Mossoul, et aujourd'hui les habitants attendent terrifiés l'arrivée des militaires irakiens et de leurs alliés. Car après l'arrivée de Daech, les chiites avaient fui Mossoul ou avaient été tués. De plus, parmi les sunnites, nombreux sont ceux qui ont collaboré avec Daech et n'ont donc plus rien à perdre. Certains envoient femmes et enfants à travers la ligne de front vers des camps de réfugiés et restent faire la guerre.

Les sunnites sont particulièrement effrayés par les troupes de "Mobilisation populaire"- des volontaires chiites financés par l'Iran.

Les sunnites craignent également les Kurdes: les militants des droits de l'homme de Human Rights Watch rapportent déjà des cas où les Kurdes attaquant Mossoul par le Nord ont rasé intentionnellement des villages entiers avec des engins du bâtiment pour empêcher les Arabes d'y revenir.

Sous le régime de Saddam Hussein, Mossoul et les régions limitrophes riches en pétrole avaient été artificiellement arabisées en chassant les Kurdes et en déplaçant des milliers de personnes du centre et du Sud du pays. Après 2003, les nouvelles autorités du pays cherchaient également à montrer aux Kurdes qui était le chef à Mossoul, avaient déployé des troupes et acheminé de nombreuses armes — qui ont été ensuite récupérées par Daech.

Selon Daniel Levy, président de l'Institut de recherche américano-britannique US/Middle East Project, expert du club Valdaï, cette résistance intense à Mossoul "n'est pas inattendue".

"Après l'occupation de l'Irak en 2003 les divergences entre les sunnites et les chiites se sont aggravées. Le pouvoir, dans le pays, était séparé sur le plan religieux et les sunnites se sont retrouvés lésés. Cela a conduit à leur soutien à Al-Qaïda (interdit en Russie) et à Daech. Même l'establishment sunnite a souvent recours à une rhétorique qui pourrait pousser des gens ordinaires à collaborer avec Daech.

Daniel Levy a souligné que la victoire militaire à Mossoul ne serait pas suffisante et qu'il faudrait fournir des efforts importants pour la réconciliation nationale.

"Il faut prendre des mesures politiques pour réduire l'attractivité de Daech pour les sunnites. Les sunnites de Mossoul et d'autres régions n'étaient pas admis dans les institutions publiques, dans l'armée et dans la police. Il faut corriger cette erreur. Il faut également faire des efforts supplémentaires pour lutter contre l'idéologie extrémiste aussi bien des sponsors étrangers, notamment du Golfe, que sur place des politiques, des théologiens et des intellectuels", conclut-il.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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