Alep-Ouest sous le feu des djihadistes

© REUTERS / Abdalrhman IsmailAlep
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Alors que la communauté internationale s’émeut de nouveau des bombardements sur Alep-Est, la partie Ouest de la ville n’est pas épargnée par les tirs des insurgées. Une situation à propos de laquelle nous avons interrogé Pierre le Corf, humanitaire français basé à Alep-Ouest.

Unanime, la presse s'alarme de la reprise des bombardements de l'armée syrienne sur Alep-Est la semaine dernière. Des bombardements qui seraient selon le correspondant de l'AFP sur place, les plus violents de ces deux dernières années.

Un parti-pris médiatique qui passe mal auprès de Pierre le Corf, fondateur de l'ONG « We are superheroes », basé à Alep Ouest depuis maintenant 9 mois, qui a répondu à nos questions. Sa vision, au cœur des événements, cadre mal avec le discours médiatique ambiant:

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« Les médias aujourd'hui ont pris une position qui n'est pas humaine, ils ont pris une position qui leur permet de vendre plus de papier. Les gens meurent à cause de ça. C'est-à-dire que plus les médias vont continuer à défendre ces "démocrates", les gens qui viennent soi-disant apporter la démocratie alors qu'aujourd'hui ils massacrent la population de l'Ouest qui n'existe pas à travers les médias, plus ils vont avoir cette position-là, plus les gens vont continuer à mourir. Car ces actes-là ne seront pas dénoncés. »

Depuis hier, les mots de Staffan de Mitsura sont repris par la plupart des journaux. L'envoyé spécial de l'ONU a déclaré devant des journalistes à Damas, craindre une « catastrophe humanitaire »: « Le temps est compté et nous menons une course contre la montre » avant un « effondrement de ce qui reste d'Alep Est ». Les Américains dénoncent par ailleurs nommément des officiers syriens qui auraient ordonné d'attaquer des positions « civiles ». Un terme à relativiser, selon Pierre le Corf:

« Ce que les gens ne comprennent pas, c'est que l'armée tire sur les positions terroristes. Des terroristes qui se placent au milieu de civils: ils s'installent toujours dans les rues passantes, sur les infrastructures, écoles et hôpitaux, pour tirer. Ils se servent des gens comme boucliers humains. »

La population civile souffre de la faim, détaille le correspondant de l'AFP déjà cité. Il explique que les dépôts des ONG locales étant désormais vides, les dépôts de vivres des autorités rebelles auraient été attaqués et pillés par les habitants la semaine dernière. De fait, selon Pierre le Corf, ils n'ont guère le choix: les vivres sont réservés aux djihadistes, qui empêchent les civils de fuir Alep Est.

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« j'ai rencontré des familles il y a deux semaines et il y a quelques jours des enfants, qui se sont échappé de la partie Est, de nuit. Ils ont eu beaucoup de chance, car ils installent des mines et tirent sur les gens qui tentent de s'échapper de l'autre côté: les gens sont coincés. »

Les médias sont par contre plus silencieux sur les victimes des bombardements de civils à Alep-Ouest par les djihadistes. Pourtant, le 21 novembre, des experts du ministère de la Défense russe ont confirmé l'utilisation par les djihadistes d'armes au chlore et au phosphore blanc à Alep-Ouest. De plus, le dimanche 20 novembre, au moins sept enfants ont été tués dans des tirs rebelles sur une école d'al-Furqan dans l'ouest de la ville.

« Cela toujours été la même chose, à partir du moment où il y a une progression de l'armée vers les zones est, la zone est intensifie ses tirs vers la zone ouest. C'est-à-dire qu'il y a une espèce d'œil pour œil, dents pour dents, toujours. À chaque fois que l'armée commence à essayer d'avancer sur les zones Est, à chaque fois qu'il y a une plage morte, on est prêt à s'en prendre plein la tête ».

Dimanche, toujours, où lors d'une visite informelle au Pérou, Barack Obama appelait Vladimir Poutine, en qualité de soutien de Damas, à accroître les efforts pour limiter les violences et la souffrance infligées aux habitants. Il pensait naturellement à ceux d'Alep Est…

Pourtant, nous l'avons évoqué, Alep Ouest souffre aussi des attaques lancées depuis les quartiers Est, aux mains des djihadistes. Quartiers que l'ONU voulait ériger en « administration autonome », une proposition rejetée, sans surprise, par Damas. Suite à sa rencontre avec l'émissaire de l'ONU, Walid Mouallem, ministre des Affaires étrangères syrien, s'est demandé comment il était « possible que l'ONU vienne récompenser les terroristes ». Et à ceux qui doutent de ce qualificatif, Pierre le Corf conseille d'ouvrir la télévision:

« Il suffit de regarder ce qu'ils disent eux-mêmes, sur leur propre chaîne de télévision publique "Free Syrian Army": ils disent d'un côté qu'ils sont là pour libérer le peuple sous l'emprise du gouvernement de Bachar al Assad et d'un autre côté les soldats disent qu'ils sont là pour tuer les infidèles qui sont du côté de Bachar. C'est-à-dire que pour eux, toute personne qui vit de ce côté-là est un infidèle. Ils utilisent les préceptes de la Loi musulmane qu'ils adaptent pour se permettre de perpétrer des meurtres, des viols et de l'esclavage et ils disent apporter la liberté ici… »

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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