Pourtant, Michael Flynn mérite que l'on regarde son parcours de plus près. Il n'est pas le premier venu. Ancien directeur de la Defence Intelligence Agency de 2012 à 2014, il est incontestablement l'un des esprits les plus vifs et les plus remarquables de l'armée américaine. Souvent présenté comme tenté par l'extrême-droite, en raison de ses violentes attaques contre Hillary Clinton, le personnage se révèle beaucoup plus complexe, et inclassable. Issu d'une famille de tradition démocrate, il fut l'homme qui réécrivit les procédures d'interrogation à la suite du scandale de la prison d'Abu Graib en Irak. Ses opinions politiques, et en particulier sa volonté affichée d'aboutir à un accord avec la Russie, le classent comme un réaliste dans un environnement où dominent les idées néoconservatrices.
Un intellectuel militaire ?
Flynn a commencé dans les forces parachutistes et a fait une partie de sa carrière dans les forces spéciales, au Joint Special Operations Command, le JSOC Il fut l'une des chevilles ouvrières de la transformation de ce commandement en l'une des plus efficaces machines de guerre des Etats-Unis. Il a travaillé sous les ordres du Général Stanley McChrystal dont le rôle fut décisif pour faire évoluer l'armée américaine en fonction des nouveaux défis posés par la mouvance terroriste. Michael Flynn s'est donc battu en Afghanistan et en Irak, dans des guerres qui ont été largement impopulaires aux Etats-Unis. Il fut à l'origine des percées en matière de renseignement qui aboutirent à la mort de Abu Musab Zarqawi le responsable d'Al Qaeda en Irak. Il a pu mesurer les effets délétères des tortures qui étaient couramment pratiquées dans cette prison. Michael Flynn a aussi participé à la remise en ordre du renseignement américain en Afghanistan, sous la direction du général Stanley McChrystal.
Une carrière exemplaire
L'amiral Mike Roger, qui était en 2014 le directeur de la NSA, l'a appelé le meilleur officier de renseignement de ces vingt dernières années. Derrière l'hyperbole, il y a incontestablement une réalité. Et l'image que l'on peut avoir de Michael Flynn est effectivement celle d'un officier exceptionnellement doué.
Un opposant à la politique de Barack Obama ?
Quand Stanley McChrystal, son chef, fut forcé de démissionner pour des raisons d'incompatibilité politique avec Barack Obama, cela laissa un goût amer à Michael Flynn. Cela fut le début d'un conflit qui devait le conduire à s'opposer non seulement au Président Obama mais encore à choisir de s'engager contre Hillary Clinton en soutenant Donald Trump. Il faut ici souligner qu'il a publiquement accusé Hillary Clinton non seulement d'irresponsabilité dans la gestion de ses communications, mais encore d'avoir, par négligence ou à dessein, mis en danger la vie de l'ambassadeur américain en Libye lors du drame de Benghazi.
Flynn, victime expiatoire de l'idéologie de la Maison Blanche ?
Dans une administration décidée à considérer — à tort ou à raison — la question du terrorisme comme réglée, la position de Flynn devenait insupportable. Le fait, aussi, que Flynn ne se soit jamais embarrassé avec les syllogismes du « politiquement correct », qu'il ait toujours appelé un chat un chat, n'ont pu qu'élargir le fossé entre les « politiques » de l'administration et les opérationnels. L'amertume renouvelée que Flynn a pu concevoir à la suite de ces événements, expliquent le basculement vers les républicains, et son soutien, dès l'automne 2015, à Donald Trump.
La relation que Flynn entretient avec l'idéologie néoconservatrice a certainement évolué au cours de sa carrière. Il est clair qu'il y a eu une conversion au « réalisme » politique, conversion qui le pousse à vouloir faire de la Russie un allié, même conjoncturel, dans la lutte contre le terrorisme.
Flynn a aussi construit une véritable pensée quant à la nature du terrorisme, et il fait le lien entre des situations conjoncturelles — comme celles qui peuvent exister en Libye, en Syrie et en Irak — et une idéologie structurée. Cette idéologie, à laquelle il fut confronté en Irak et en Afghanistan, lui semble structurer l'ensemble de la nébuleuse terroriste, dont il perçoit à travers le monde l'extension, en dépit de défaites locales.
Très clairement, sa nomination comme conseiller à la Sécurité Nationale sera ressentie par une partie de l'armée comme de nature à venger ce qu'elle ressent comme les affronts dans le limogeage de certains généraux, Petraeus et McChrystal en particulier. Son « réalisme », s'il se confirme, sera un changement bienvenu par rapport à la dimension très doctrinaire actuelle de la politique étrangère américaine.
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