« Faites attention à la propagande russe et à celle de Daech, mettent en garde les députés des affaires étrangères » — c'est ainsi que l'histoire du rapport sur la « propagande des pays tiers contre l'Union européenne » a commencé avec un communiqué de presse publié sur le site du Parlement européen au mois d'octobre dernier. Préparé par la députée polonaise au Parlement européen Anna Fotyga, ce rapport sera voté durant la session du Parlement qui démarre ce lundi.
« Ils ont vu le Brexit, ils savaient pas encore que le président Trump allait être élu mais ils savent très bien que partout les peuples contestent l'UE. Et plutôt que de se poser la question de savoir pourquoi les peuples européens contestent, ils donnent l'impression qu'ils veulent contrôler l'information ce qui n'est pas un bon signe ».
Le rapport utilise « un langage très soviétique » avec lequel « on retombe dans la guerre froide » certifie Sophie Rauszer, co-responsable des questions internationales du Parti de gauche au Parlement européen. Elle ajoute que c'est un rapport d'initiative, il sera voté et adopté mais ce n'est pas un rapport législatif, c'est plutôt la voix du Parlement européen mais qui dans le même temps donne à la Commission européenne des indications sur la position des eurodéputés :
« À partir du moment où le rapport est adopté, c'est considéré comme la voix du Parlement européen. Ce qui effectivement à nous, à mon groupe de gauche radicale, pose problème de placer en termes de propagande et de contrepropagande une organisation terroriste avec un État membre de l'Onu du côté sécurité ».
Sans s'attarder sur la position scandaleuse du rapport qui met les médias russes et Daech sur le même plan, il est important de noter que ce rapport touche surtout la question de l'indépendance de la presse. Patrick Louis exprime son désarroi :
Anna Fotyga, ex-ministre polonaise des Affaires étrangères, qui a préparé le rapport, parle dans ses interviews avec beaucoup de sérieux de la cinquième colonne russe ou encore allemande qui sont à l'œuvre dans son pays. Dans le même temps, elle veut « protéger les valeurs européennes ».
Le rapport sera voté le 23 novembre, mais avant cela Sophie Rauszer nous rappelle quelques chiffres :
« Il y a quand-même eu 20 votes pour, 13 abstentions et 5 votes contre. Je parle du niveau de la commission européenne des Affaires étrangères, on a vu des rapports beaucoup plus consensuels. C'est pas un rapport particulièrement consensuel non plus ».
De son côté, Patrick Louis pointe du doigt dans ces circonstances les relations entre l'EU et la Turquie, qui « aspire à rentrer dans l'UE et qui est dirigée par M. Erdogan qui se comporte d'une manière pour le moins despotique n'est même pas mise en cause alors que manifestement la Turquie est en train de mettre en prison ses journalistes ».
« Ce texte montre très bien qu'à mon avis on a affaire à quelque chose qui provient beaucoup plus du couplage UE-Otan et non pas d'une autonomie de l'UE qui fait vraiment vivre ses valeurs».
Patrick Louis se rappelle des paroles de Jacques Delors qui avait dit que « l'Europe devait être un despotisme éclairé » et constate que « cet empire du bien veut contrôler les choses par le haut » ce qui serait « assez dramatique ».