« Ces immeubles étaient une zone de guerre », raconte à Sputnik N'Goran Ahoua, président de l'association des habitants du 48, rue de la République. Un an après l'assaut contre le terroriste le plus recherché de France, Abdelhamid Abaaoud, coordinateur des attentats du 13 novembre, les anciens locataires de l'immeuble ont été relogés dans un hôtel de la ville de Saint-Denis ou ont définitivement quitté le quartier. Mais les souvenirs douloureux les tiennent toujours en otage.
« Je suis resté avec mon bébé qui n'avait qu'un an, couché sur le sol pour l'empêcher de pleurer parce que s'il pleurait et que les terroristes entendaient sa voix, ils auraient pu nous prendre en otage. » La voix de N'Goran Ahoua tremble légèrement, et il semble offensé.
« Au Bataclan, les policiers ne sont pas rentrés dans des appartements pour tirer sur des terroristes. C'est un traumatisme et c'est vraiment différent, ici il s'agissait d'une opération préparée, voulue, donc c'était organisé. Sachant qu'il y avait des familles qui y vivaient avec leurs enfants », poursuit-il.
La mairie de Saint-Denis n'a pas autorisé l'organisation cette année d'une manifestation en souvenir de l'assaut. Les habitants de la ville ont alors décidé de lancer une exposition photo avec des clichés de tous les habitants de ce bâtiment désormais abandonné, mais dans lequel étaient logés les terroristes. Les gens qui ont été témoins de l'assaut demandent aujourd'hui aux autorités de leur assurer un nouvel hébergement et de leur accorder une aide psychologique.
Parmi ces gens, Lassina, qui habitait au-dessus de la chambre des terroristes et les a vus à la veille des attentats. Mais comme ceux-ci ne lui ont pas semblé suspects, l'homme n'a pas prévenu la police.
Tout comme N'Goran Ahoua, qui a désormais peur de la foule et des rassemblements publics, cette année, Lassina n'est pas allé à la cérémonie du 13 novembre.
« Personne ne nous a invités à participer aux cérémonies », avoue-t-il avant d'ajouter: « Moi aussi, je suis victime du terrorisme ».
Parmi les anciens habitants de cet immeuble, nombreux sont ceux qui n'ont pas de papiers et ne parlent pas français. Ils se sentent oubliés et demandent à l'État de les aider. Trois habitants du quartier se sont vus délivrer des Obligations de quitter le territoire français et exigent l'annulation de cette décision, affirmant qu'ils ont été victimes de l'opération terroriste.
Près d'une vingtaine d'habitants se sont récemment regroupés en collectif, le « collectif du 18-Novembre Saint-Denis », afin de demander « d'urgence » leur reconnaissance comme victimes du terrorisme.
« Il y a des victimes qui ont été blessées, des familles qui ont des enfants qui ont été traumatisés, puisque plus de 5 000 cartouches ont été tirées en direction des terroristes à partir des appartements de locataires ou de propriétaires où étaient intervenues les forces de l'ordre », explique Mehana Mouhou, avocat du collectif.
« Et à ce jour, ces personnes ne sont toujours pas reconnues comme victimes et encore moins indemnisées pour leurs préjudices », s'indigne-t-il.
Plusieurs locataires civils ont perdus leurs biens, ayant été contraints de quitter leurs appartements et de payer un loyer ailleurs, « alors qu'ils étaient propriétaires ».
« Mon objectif est purement juridique, en qualité d'avocat. […] C'est de faire du droit et de faire reconnaître par la justice […] et par le fonds d'indemnisation les victimes du terrorisme », conclut-il.