Emploi, coût de la vie, éducation, telles sont les principales préoccupations des étudiants pour la présidentielle, d'après le dernier sondage de l'Ifop pour l'Étudiant, publié ce 15 novembre. Dans cette étude menée auprès de 604 jeunes entre le 25 octobre et le 4 novembre 2016, trois grandes lignes se dégagent:
Cependant, pas d'emballement comme celui du Figaro qui titrait ce 15 novembre « Alain Juppé, candidat préféré des étudiants à l'élection présidentielle »: il ne s'agit pas là d'intentions de vote, comme le précise François Kraus, directeur des études politiques de l'Ifop.
En effet, la question de l'étude est la suivante: « Chacun des candidats (déclarés ou potentiels) suivants à l'élection présidentielle de 2 017 prend-il en compte les préoccupations des étudiants? ».
« Alain Juppé n'est pas le candidat préféré des étudiants, c'est à leurs yeux le candidat qui prend le plus en compte les préoccupations des étudiants. Il n'en reste pas moins que c'est assez nouveau qu'une personnalité de droite arrive en tête et devance Jean-Luc Mélenchon ou des personnalités de centre ou de centre gauche comme Macron, Bayrou ou Valls ».
« D'abord parce qu'ils sont moins formés, moins conscientisés, ils ne paient pas d'impôts, puis il y a aussi des problèmes d'inadéquation entre leur lieu de résidence — qui peut être une grande ville — et l'endroit où ils sont inscrits sur les listes électorales, qui peut être le domicile de leurs parents. »
Afin d'avoir un aperçu de cette réalité, de ce désintérêt supposé de la jeunesse pour la classe politique actuelle, nous sommes allés à la rencontre d'étudiants à Paris. Un échantillonnage très local, par conséquent loin d'être exhaustif.
Pour expliquer ce désintérêt, certains observateurs mettent en avant les affaires Léonarda, Rémi Fraisse, ou encore la Loi Travail. Pour François Kraus, d'autres raisons s'ajoutent à cela:
« Je pense que le fond est plus dans: est-ce que les conditions de scolarité se sont améliorées. Est-ce qu'on est moins nombreux dans les amphis? Est-ce qu'on a des conditions de travail améliorées? Est-ce qu'il y a plus d'aides au logement, aux transports? Est-ce qu'il y a une meilleure couverture santé? Des problématiques concrètes. »
François Kraus rappelle que les étudiants sont chaque année plus nombreux sur les bancs de la Fac. Cependant, le sentiment chez les jeunes que leurs conditions de scolarité se dégradent n'est pas le seul facteur négatif à l'encontre de l'exécutif socialiste:
« Parallèlement, il y a la défaite des gouvernements sous le mandat de Hollande sur la question du chômage, qui est la principale préoccupation des jeunes. »
Concernant les dernières mesures introduites par les réformes de l'Éducation nationale, si le développement des aides à l'insertion professionnelle, la création d'un statut d'étudiant entrepreneur ou de deux nouveaux échelons de bourse rencontrent un franc succès auprès des étudiants, seuls 48 % perçoivent positivement l'instauration de quotas minimaux de bacheliers professionnels et technologiques dans les BTS ou DUT, imposés par les recteurs.
Par ailleurs, aux « sujets forts » et autres « déterminants du vote », après l'emploi, le coût de la vie ou l'éducation, s'ajoute la sécurité des biens et des personnes. Une « problématique régalienne » qui ne figure habituellement pas aussi haut parmi les principales préoccupations des étudiants. Quant à l'accueil des migrants et l'environnement, des thèmes généralement plus marqués à gauche, ils n'arrivent qu'en 6e et 7e position.
Pour François Kraus, le constat est sans appel, nous assistons bien à « une droitisation de la population étudiante »:
« Globalement, il y a un certain désenchantement des étudiants vis-à-vis de la politique, vis-à-vis de la gauche: la gauche perd une dizaine de points en termes de proximité partisane et il y a une augmentation du nombre d'étudiants qui ne se sentent proches d'aucune formation politique. »
Un désaveu de la politique de François Hollande, lui qui avait annoncé en 2012 qu'il placerait les jeunes au cœur de son quinquennat, désaveu qui accentue l'abstention chez les étudiants. Pour preuve, à la question posée par l'Ifop, l'actuel Président termine bon dernier ex-aequo avec Philippe Poutou. Parallèlement au recul de 9,7 points des sympathisants de gauche, la part des sympathisants de droite et du centre progresse de 1,5 point et celle du FN de 4,5 points.
Une étude à relativiser toutefois, si les étudiants se mobilisent plus que l'ensemble « jeunes », ils n'en représentent qu'environ un sur deux. En décembre dernier, 64 % des 18-30 ans s'étaient abstenus lors des élections régionales, estimant que la classe politique traditionnelle s'était éloignée de leurs préoccupations. Parmi ceux qui sont allés jusqu'aux urnes au premier tour, 34 % avaient déposé un bulletin Front national. Bien loin devant Le Parti socialiste et ses alliés (22 %).
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