Police : après les promesses, l’accalmie?

© REUTERS / Charles PlatiauA French plainclothes policeman shows off his insignia as he protests against anti-police violence during a march at Place de la Republique in Paris, France, October 26, 2016.
A French plainclothes policeman shows off his insignia as he protests against anti-police violence during a march at Place de la Republique in Paris, France, October 26, 2016. - Sputnik Afrique
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Ils étaient encore des centaines de policiers à défiler dans la nuit de mercredi à jeudi dans de nombreuses villes de France. Pourtant, au même moment leurs syndicats obtenaient satisfaction sur la plupart de leurs revendications. Qu’en est-il des vraies attentes des policiers de base ?

Alors que syndicats de police et gouvernement discutaient à l'Élysée, les policiers en colère battaient encore le pavé partout en France. Si cette nuit du 26 octobre la mobilisation a fléchi, la grogne des policiers faiblit-elle pour autant?

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On le sait depuis le début, la mobilisation s'affirme « a-syndicale » et refuse la récupération par les organisations « représentatives ». En témoigne la mobilisation dérisoire des manifs « officielles » des syndicats face à celles des a-syndiqués. Pourtant, ce sont bien les syndicats qui ont été reçus pour une concertation avec leur ministre de tutelle, dix jours après le début de la fronde policière. Afin de « frapper vite et fort », Bernard Cazeneuve a annoncé plusieurs mesures à l'issue de la rencontre:

Il a d'abord débloqué une « enveloppe globale » de 250 millions d'euros afin de rééquiper la police: réfection de locaux et équipements commandés en urgence pour la police et la gendarmerie. Le ministre de l'Intérieur évoque principalement des matériels de protection et des armes neuves. Ainsi, « chaque équipage de police-secours et de gendarmerie sera doté d'un bouclier balistique souple et de gilet par balles porte-plaques ». Des équipages dont les véhicules recevront extincteurs, trousse de secours et vitrages renforcés. En prime, des tenues ignifugées et des véhicules blindés seront déployés, car pour Bernard Cazeneuve « le but est bien celui-ci: permettre aux policiers d'entrer dans les quartiers pour aller chercher les délinquants. »

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Autres mesures de ce « plan ambitieux pour la sécurité publique »: l'abandon partiel des gardes statiques, le réexamen des conditions de légitime défense, donc d'emploi des armes et le doublement des peines pour outrage à agent. Citons aussi le « renforcement significatif des mesures d'anonymisation », via l'usage de la cagoule lors « d'interventions difficiles ». Les syndicats semblent satisfaits, ils ont eu gain de cause sur tous les points abordés et notamment ceux auxquels la base était sensible, comme la légitime défense.

Cependant, gouvernement et syndicats ne répondent pas au cœur des revendications posées par les policiers. Ce qu'ils dénoncent depuis le début, c'est le laxisme judiciaire, exacerbé par le passage de Christiane Taubira place Vendôme. Le point n'a pas été abordé, pas plus que l'indifférence et le carriérisme de leur hiérarchie, que dénoncent les agents de terrain.

Pourquoi s'étonner alors que la mobilisation ait continué cette nuit? Le pouvoir répond à côté de la question posée par les policiers en colère. C'est moins l'embuscade de Viry-Châtillon qui a poussé les policiers dans la rue que la réponse de Manuel Valls et Bernard Cazeneuve à ce drame. Le Premier ministre a proposé d'équiper les policiers de combinaisons ignifugées et leurs voitures de blindages. Une réponse purement technique à des policiers qui attendaient un geste politique fort.

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Quant au ministre de l'Intérieur, il a qualifié les auteurs de l'embuscade: des « sauvageons », ce qui paraissait atténuer la portée de leur acte… Bref, le gouvernement n'a pas pris la mesure des enjeux.

Selon, Éric, militant du mouvement sans syndicats ManifPolice, interrogé par Sputnik devant l'Assemblée nationale, les syndicats auraient dû réagir plus tôt aux attaques contre les policiers en France:

« Ils s'y prennent un petit peu trop tard. Il aurait, peut-être, fallu dès le départ — des faits annoncés de Viry-Châtillon ou même d'autres faits précédents — se réunir en intersyndicale et peut-être qu'ils auraient pu comprendre ce que la base voulait. La base demande depuis un certain temps certaines choses et on n'a jamais vu ces choses arriver jusqu'à présent. »

Que dire aussi de Jean-Marc Falcone, le Directeur général de la Police nationale (DGPN) qui a menacé de sanctions les participants à la manifestation de policiers place de l'Étoile dans la nuit du 17 au 18 octobre? Hué et sifflé, il a fait l'unanimité des policiers contre lui et favorisé leur mobilisation. Autre maladresse enfin, Jean-Christophe Cambadélis avait dès les premières nuits de mobilisation ouvertement assimilées les organisateurs au Front national. Une tentative de discrédit qui fait rapidement long feu.

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Enfin, notons que par cette « a-syndicalisation », ce mouvement échappe à tout contrôle, générant forcément des inquiétudes. Un mouvement constitué par la base de la Police, soutenu selon un sondage IFOP pour Atlantico, à 91 % par les Français, ce qui constitue le record de soutien à un mouvement social, alors que parallèlement François Hollande affiche un autre record absolu, celui du nombre de satisfaits de son action: 4 %!

En 1958, des manifestations massives de policiers avaient fragilisé la IVe République — déjà à bout de souffle — et contribué à sa chute. Plus près de nous, en décembre 2001, c'était les gendarmes qui avaient manifesté par milliers en France pour réclamer plus d'effectifs et de moyens à Lionel Jospin… nous étions à cinq mois d'une présidentielle qui verra le Premier ministre évincé au premier tour. Des précédents à méditer. 

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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