Tous phobiques!

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ATD-Quart Monde tente d’imposer la pauvrophobie dans notre vocabulaire. Mauvaise méthode pour une bonne cause? La psychiatrisation et en corollaire la judiciarisation croissantes des opinions divergentes finissent par empêcher tout débat sur les questions centrales de notre société.

Je suis malade, tu es malade, nous sommes tous malades ! Telle une peste —brune, forcément —, la maladie se répand, mute sans cesse pour attaquer de nouvelles victimes innocentes… ou pas tant que ça. Peut-être êtes-vous porteur sain, peut-être êtes-vous malade sans même le savoir ?

N'appelez pas tout de suite l'institut Pasteur, il ne peut rien pour vous. Il n'existe pas de vaccin et la sécurité sociale ne rembourse pas cette maladie. Cette affection mentale attaque les cerveaux les plus fragiles, mais pas que… j'ai nommé la Phobie ! Petit rappel : en psychiatrie, la phobie décrit le trouble psychiatrique lié à une peur irrationnelle.

Donc, nous sommes tous phobiques de quelque chose. Dernière en date, la « pauvrophobie » ou discrimination pour précarité sociale, lancée par ATD Quart-Monde à la suite d'un concours. Oui, un concours pour inventer une nouvelle phobie, avec objectif avoué de faire rentrer le mot dans le dictionnaire.

• Tu refuses une clope à un punk à chien ? Pauvrophobe !

• Tu t'insurges contre les mendiantes roms avec leur bébé drogué jusqu'aux yeux ? Pauvrophobe !

Corollaire habituel de cette nouvelle maladie : une loi pour punir ladite phobie. Eh oui, vous êtes malade ? On vous colle en prison ! Un peu comme du temps de l'Union soviétique, on mettait en asile psychiatrique tout dissident qui parlait un peu fort contre le système.

Voilà donc la pauvrophobie qui rejoint la longue cohorte de maladies mentales passibles, pour la plupart, de poursuites judiciaires (saurez-vous retrouver lesquelles ?) :

• Vous refusez de voir des prières de rue musulmanes dans votre quartier ? Islamophobe !

• Vous êtes contre le contrôle tatillon et antidémocratique des instances bruxelloises sur notre vie ? Europhobe !

• Vous défendez un modèle familial traditionnel ? Homophobe !

• Vous trouvez que l'aviation russe bombarde Alep trop violemment ? Russophobe !

• Vous vous demandez si d'accueillir des millions de migrants en Europe ne va pas bouleverser nos modèles sociaux, culturels ou économiques ? Xénophobe, migranphobe !

• Dès que Poutine ouvre la bouche, les poils de vos avant-bras se hérissent ? Poutinophobe !

• La vue d'un clocher d'église heurte vos convictions laïques ou d'une autre religion ? Christianophobe !

• Vous vous demandez si la politique américaine de déstabilisation du Moyen-Orient était vraiment une si bonne idée que ça ? Américanophobe !

Et bien sûr, n'oublions pas la judéophobie (c'est devenu plus chic que l'antisémitisme), la gérontophobie, l'administratophobie (qui ne touche pas que l'ex-ministre Thomas Thévenoud), la transphobie, la biphobie, la burkinophobie, la berebasquophobie, la gynéphobie (qui remplace avantageusement la misogynie) et bien sûr la banlieuphobie !

Entendons-nous bien : je trouve la plupart des opinions ainsi étiquetées « phobies » tout à fait condamnables, à commencer la par pauvrophobie. Le mépris de classe d'une certaine bourgeoisie pour les classes populaires me débecte, au risque d'afficher une certaine bourgeoisophobie.

Mais de psychiatriser les opinions avec lesquelles on n'est pas d'accord, d'instituer des listes de délits d'opinion de plus en plus longues relève purement et simplement, je l'ai déjà évoqué, de méthodes totalitaires. On invalide l'opinion divergente sans la discuter en la traitant de maladie mentale et on empêche de plus tout débat par la menace de poursuites judiciaires.

Au pays de la liberté d'expression et des droits de l'homme, je trouve que ça la fout mal.

Ça doit être ma systèmophobie qui parle.

Promis, je vais essayer de me soigner. 

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