La naissance d'un enfant est toujours une fête malgré la guerre, la destruction de sa maison et la perte de proches. Il est donc traditionnel d'offrir des sucreries à ses invités à cette occasion. "Prenez un bonbon, c'est un cadeau du petit Bachar", confie la grand-mère du bébé à Rossiya Segodnya.
Elle a appelé son fils Bachar
Fida, une jeune femme dont le visage est couvert par un niqab, a donné naissance à un garçon il y a quelques jours. Elle l'a appelé Bachar, comme le président syrien. Ce n'est rare pour les habitants de la région, tout comme pour de nombreux Arabes qui donnent souvent à leurs enfants les noms de leaders nationaux et de prophètes. Ce cas est quand même une exception: le mari de Fida est membre du mouvement terroriste "Front al-Nosra" et se trouve actuellement dans la province d'Idlib, un bastion des djihadistes.
« Nous avons appelé notre fils en l'honneur du docteur Bachar al-Assad, ophtalmologue de formation. Nous avons pris cette décision avec mon mari. Il veut rentrer pour voir son fils. J'espère qu'il obtiendra une amnistie », raconte Fida.
Le militaire syrien qui l'accompagne nous murmure que son mari tente actuellement d'alléger son sort et « négocie sa reddition avec les autorités à l'insu des extrémistes ».
« On négocie actuellement avec lui. Il veut revenir à une vie paisible. Mais il a visiblement du sang sur les mains. C'est pourquoi il recherche actuellement comment éviter une punition sévère », explique le militaire.
Un abri temporaire
« Aujourd'hui, il y a ici plus de 700 personnes. Les maisons sont à moitié détruites à cause de la guerre. Toute l'infrastructure de Daraya a été affectée. Ils reviendront chez eux après que l’État aura tout reconstruit », raconte Mohammed Karavani, directeur du camp.
Cet homme âgé montre non sans fierté les appartements destinés aux déplacés: chacun dispose d'une cuisine, de toilettes, d'une chambre à coucher et d'un salon.
« On a l'eau et l'électricité 24 heures sur 24, même s'il y a des coupures. Les enfants suivent leur scolarité à l'école du village voisin, mais le plus important est qu'il n'a y plus de tirs », sourit-il.
Certificat de fidélité
Selon mon guide, tous les hommes du camp ont d'une manière ou d'une autre coopéré avec les rebelles, mais personne ne reconnaît avoir participé aux hostilités. Ils assurent avoir assuré un "travail pacifique": l'approvisionnement des postes de contrôle en aliments, le déblayage des encombrements, l'aide aux blessés. Les autorités syriennes examinent leur situation cas par cas. Si un homme n'a pas en réalité participé à des atrocités et n'a pas tiré sur les soldats, il peut rapidement revenir à une vie paisible.
Khalid al-Karakh, 30 ans, a bénéficié de l'amnistie. Il faisait partie du groupe Choukhada al-Islam affilié à l'ASL. Il nous montre l'accord qu'il a signé avec l’État. Ce texte imprimé qui porte sa signature et une estampille certifiant son authenticité stipule que Khalid « a compris l'envergure du complot contre son pays et jure de plus jamais participer à des activités d'instigation ».
« J'ai pris 15 kilos pendant 40 jours dans ce camp. Là-bas, c'était l'enfer. Mon quartier était géré par des bandes dont chacune était un État séparé. Une anarchie totale. Mais nous ne pouvions pas le quitter car les djihadistes nous en empêchaient », affirme-t-il, soulignant qu'il ne s'occupait que de l'"approvisionnement en nourriture" au sein de son groupe.
Quand la patrie tend la main
« On nous a proposé au final deux autobus: pour Idlib ou pour ce camp. Nous avons choisi le retour et la patrie nous a ouvert les bras. Le docteur Bachar al-Assad nous a amnistiés. Beaucoup de gens sont déjà revenus à une vie paisible », poursuit-il.
Maher et Khalid étaient ébénistes avant la guerre. Ils vantent la renommée de ce métier à Daraya. La demande reste, selon eux, énorme malgré la crise. Ils envisagent de prendre leur première commande dans quelques jours déjà.
« A Daraya nous n'avions ni télé ni internet. Les commandants nous disaient que l'armée tuait et torturait. Nous ne nous attendions donc pas à ce que l’État nous offre de telles conditions et une chance de revenir à une vie paisible. A vrai dire, cela nous semble toujours étonnant », disent-ils, se coupant la parole.
Une enfance volée
Dans la soirée, l'air s'est rafraîchi. Un groupe bruyant de dizaines d'enfants apparaît dans la rue. Ils courent en clignant des yeux, ceux-là même qui ont assisté à tant de malheurs. Ils ont passé les premières années de leur vie dans des caves et n'ont pas pu sortir dans la rue pendant des mois à cause des bombardements incessants, jour et nuit. Ici « ils ont pour la première fois respiré à pleins poumons, ils passent la plupart de temps dans la rue, jouent et font connaissance comme s'ils voulaient reprendre leur enfance volée par les adultes », affirme le directeur du camp. Tous, pourtant, n'ont pas encore la chance d'avoir leurs propres jouets.