Les réponses sont loin d'être évidentes. Chacun y va de son petit grain de sel… mais certains se font davantage remarquer que d'autres. La semaine passée a vu la publication d'un brulot, Un quinquennat pour rien, le dernier essai d'Eric Zemmour. Dans cet essai, le fameux polémiste a tenté d'apporter une réponse et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle est pour le moins provocante: Eric Zemmour évoque les théories de désignation de l'ennemi (notamment avec les philosophes Julien Freund et Carl Schmitt) et écrit explicitement: «…nous devons reforger dans l'adversité un peuple français. Et désigner l'ennemi: l'islam. Un ennemi qui nous fait la guerre sans déclaration de guerre » (p. 44).
C'est cette citation qui est à l'origine du débat du jour: cet argument est — nous semble-t-il — destiné à marquer profondément le débat à la fois intellectuel et politique des prochaines semaines et des prochains mois. Et même des prochaines années.
Est-ce de la surenchère médiatique ou du courage politique? De l'islamophobie ou de la lucidité? L'expression d'un repli identitaire ou un renouveau patriotique? Ces questions sont graves, et Sputnik News a décidé d'y répondre et d'approfondir la réflexion avec un universitaire chevronné et un intellectuel plein d'avenir… Jean-Louis Harouel est Professeur agrégé de droit, auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont le plus récent est Les Droits de l'homme contre le peuple (2016, Desclée de Brouwer), d'ailleurs cité par Zemmour. Thibault Isabel est rédacteur en chef de la revue Krisis et docteur en philosophie. Il a publié en 2014 Le Parti de la tolérance, aux éditions La Méduse.
Selon Jean-Louis Harouel, « l'islam est l'ennemi »: « Je le dirais avec d'autant moins d'hésitation d'autant plus que je l'écris à plusieurs reprises dans mon essai: je parle d'entreprise conquérante d'une civilisation hostile, je parle d'antagonisme de civilisation (…) Je fais la distinction de l'Islam comme système et les musulmans comme personnes, qui me paraît absolument essentiel. Mais l'islam comme corps de doctrine est bel et bien l'ennemi ». Ensuite a-t-il expliqué: « Il y a un djihad violent, mais il y a deux djihads beaucoup plus dangereux: il y a le djihad démographique qui consiste par la procréation et puis le djihad civilisationnel qui a pour objectif d'imposer les mœurs, le droit et la sociologie de la civilisation arabo-musulmane en France ».
Pour Thibault Isabel, « on doit se poser la question du pacte civique. Nous pouvons être bien intégrés et différents ». Avant de poursuivre: « Je n'accepte pas l'idée de considérer l'islam massivement comme un ennemi; non que l'islam ne pose pas de problème d'accommodement avec la République française — c'est certainement le cas, et on peut même affirmer que toutes les religions posent des problèmes d'accommodement. Il est certain que l'islam par sa nature politique et juridique, pose des problèmes tout particuliers (…) mais cela dit, assimiler l'islam en général et le terrorisme islamiste me semble à la fois erroné sur un plan intellectuel et plus encore je pense que c'est une grave erreur géostratégique: au fond, on rentre dans la logique de Daesh. Le seul véritable objectif de Daesh est de favoriser une guerre civile sur le sol national des pays occidentaux. En rentrant dans leur logique, et en considérant que deux blocs qui s'opposent de manière unilatérale sans possibilité de compromis, alors on dit à tous les musulmans 'vous ne pouvez pas être français'. Il y a un choc des civilisations et c'est s'inscrire dans le cadre d'une rivalité mimétique; c'est s'empêcher d'un point pragmatique de trouver une solution aux problèmes qui se posent à la France. »