Certes, le vote de dimanche prochain ne permettra pas de débarrasser l'Occident du président honni de la Fédération de Russie. Mais faut-il pour autant s'en désintéresser? La Russie ne vaut-elle que parce qu'elle intervient militairement en Syrie sur le même terrain que les Etats-Unis? Sur google.news, le site google dédié à l'information, une recherche "élections russes" mène principalement vers des articles se rapportant à l'avis sur la Russie des deux candidats… à la présidentielle américaine!
Il faut noter ici que ce changement a été introduit par un gouvernement qui n'avait pas un grand intérêt à le faire, puisqu'il permettra à des partis libéraux d'opposition d'entrer à l'Assemblée. Selon les évaluations de l'opposant Alexeï Navalny confirmées par les sondages officiels, des partis comme Yabloko, le parti de l'intelligentsia moscovite et pétersbourgeoise, ou Parnas, de l'ancien premier ministre Kasyanov, n'auraient jamais atteint les 5% mais pourraient entrer à l'Assemblée en obtenant des majorités dans certaines circonscriptions, notamment à Moscou.
La concurrence politique au sein même du parti Russie Unie
L'autre événement de cette année, ce sont les primaires ouvertes qui ont eu lieu à l'intérieur du parti Russie unie. Selon le site indépendant RBK au moins 50 députés de Russie unie l'ont perdue, et on peut s'attendre à un renouvellement de plus des deux tiers des députés du parti au pouvoir, un turnover ambitieux pour un pays comme la France où seuls 40% des députés de l'Assemblée élue en 2012 ont été renouvelés. Dans un contexte où la politique internationale menée par le président Poutine fait l'unanimité auprès des partis parlementaires, et nombre de partis minoritaires, et où le parti au pouvoir jouit d'une avance ne permettant pas une alternance, le débat démocratique commence à avoir lieu au sein même du parti.
Poussée de la gauche?
Pas vraiment. Le Parti communiste n'est pas le seul à représenter les idées de la justice sociale. Dans son cas, il s'agit avant tout d'une gauche nostalgique de l'Union soviétique et nostalgique tout court, avec un surprenant penchant pour la religion qui amuse beaucoup ses détracteurs. Mais il existe bien d'autres gauches qui rivalisent avec les communistes "old school".
Par exemple, le parti Russie juste jadis appelé "deuxième parti du pouvoir" fait partie de l'Internationale socialiste. Il peut difficilement être comparé au PS français ou espagnol pour le côté militant, mais son programme économique est bel et bien socialiste. Il prône, par exemple, une imposition progressive dans un pays où un balayeur paie autant d'impôts sur le revenu qu'un PDG. Avec 5% dans les sondages il arrive en quatrième position et sera, sauf surprise, le dernier parti à pouvoir constituer un groupe parlementaire.
Finalement, du côté de l'opposition extra-parlementaire, le parti libéral le mieux placé dans les sondages est Yabloko qui s'appuie sur un électorat urbain (professeurs, médecins et fonctionnaires). Un parti libéral mais ce n'est pas du libéralisme tel qu'on le reproche à Emmanuel Macron: c'est probablement le parti russe le plus proche du PS version François Hollande. Encore la gauche.
Pourquoi est-ce si important de parler de ce discours de gauche en Russie? Si les grandes questions de politique extérieure (Crimée, Syrie) font consensus au sein des partis parlementaires, le vrai débat se joue dans le clivage gauche-droite où la gauche occupe une place traditionnellement très importante.
Parmi les prétendants potentiels au poste de premier ministre qui sera désigné par la nouvelle Douma, on trouve tout aussi bien l'économiste d'extrême gauche Sergueï Glaziev que le très libéral Alexeï Koudrine, tous deux conseillers du président. Dans ce contexte, selon les résultats, le président pourrait écouter la voix populaire pour désigner un premier ministre plus à la Glaziev ou à la Koudrine, l'actuel premier ministre Medvedev restant le candidat du statu quo.
Khodorkovski veut jouer les arbitres
L'idée est originale. D'abord parce qu'il n'y a aucune place pour les partis dans ce schéma. Les leaders de Parnas dénoncent notamment la participation de Maria Baronova soutenue par Khodorkovski face à leur candidat dans la circonscription Moscou centre-ville. Et ensuite, parce qu'il n'y a pas de plate-forme idéologique, certains candidats se déclarant "sociaux-démocrates", d'autres "libertariens" et encore "partisans d'un État fort". La seule condition: être de bonne foi et ne pas avoir peur de s'associer avec l'ancien oligarque.
Quel avenir pour cette initiative? Cela constitue un enjeu de plus pour ces élections…
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