Ces deux candidatures cultivent, l'une et l'autre, une certaine ambiguïté. Arnaud Montebourg affirme sa volonté de se présenter à l'élection présidentielle et soumet sa présence préalable à la « primaire » du parti « socialiste », un mécanisme qu'il avait défendu en 2006 et 2007, à de nombreux préalables. Nicolas Sarkozy se présente quant à lui officiellement à la primaire organisée par les partis du centre-droit, mais semble considérer que le résultat en est déjà connu et qu'il est le seul légitime pour se présenter à l'élection présidentielle.
Retenons, déjà, que ceci ne fait que refléter les ambiguïtés intrinsèques du mécanisme dit « de
Une fausse surprise
La candidature de Nicolas Sarkozy n'est une surprise pour personne. Mais, il faut rappeler que l'homme, à la suite de sa défaite de 2012, avait annoncé sa volonté de quitter la vie politique. Il se renie donc sur ce point, et donne l'image soit d'un homme inconstant soit d'un manipulateur. Aucune de ces images n'est flatteuse.
Non que l'échec soit rédhibitoire. Quand on est prêt à affronter sereinement ses causes, à les analyser, à en tirer des leçons et à convaincre les électeurs que l'on s'est donné les moyens de ne pas les répéter, un échec passé peut être le fondement d'une victoire future. Pourtant, Nicolas Sarkozy retombe dans ses pires errements. Il confond la vitesse et la précipitation. Napoléon, dans une lettre adressée à l'un de ses généraux, la concluait par ces mots: « vitesse, vitesse; je me recommande à vous ». Et il est vrai que la vitesse de réaction est importante, dans la politique comme dans la guerre…Mais, cette vitesse était, chez Napoléon, mise au service d'une vision générale. Or, telle n'est pas l'image que donne Nicolas Sarkozy.
Les thèmes de campagne
Nicolas Sarkozy postule que l'identité sera l'un des thèmes principaux de la campagne à venir. Il fait néanmoins sans fournir aucune définition de cette « identité », et propose de remplacer l'intégration par l'assimilation. La formule se veut un appel du pied à la frange la plus à droite de son électorat. Elle révèle cependant que Nicolas Sarkozy ne sait pas ce dont il parle.
Le processus d'assimilation relève d'un choix individuel. On n'est pas moins français parce que l'on parle, en plus du français naturellement, le breton, le provençal, le basque ou le corse, ou encore l'italien, l'espagnol, l'arabe, le chinois, le portugais ou le hongrois, le yddish ou le russe…Cette décision, qu'elle soit consciente ou inconsciente, doit être laissée à la liberté de chacun.
La véritable question est de savoir s'il y a une culture française, au-delà du maintien chez ceux qui le souhaitent de racines culturelles diverses, ce que l'on peut appeler une interculturalité, ou si l'on fait d'un projet multiculturaliste l'alpha et l'omega de sa vision politique. Le discours de Nicolas Sarkozy est ici semé de confusions et renvoie à des contradictions avec son action passée. Est-ce que le président du Traité de Lisbonne, le président qui fit avaliser par le Congrès la plus grande partie des termes que les Français avaient rejetés lors du référendum de 2005, qui est le mieux placé pour défendre l'identité? Disons le, en un mot comme en cent: réélire Nicolas Sarkozy, c'est l'assurance de la perpétuation du jeu délétère que ce dernier conduisit, de 2007 à 2012, avec Angela Merkel ou les présidents américains, et dont nous payons encore aujourd'hui les conséquences. Assurément, Nicolas Sarkozy fut parfait dans son interprétation des discours écrits par Henri Guaino, mais, son action fut largement impuissante, corsetée qu'elle était dans sa conviction que l'UE (et la zone Euro) devait être à tous prix sauvegardée.
La confiance fut légitimement refusée à Nicolas Sarkozy en 2012. Il n'a tiré nulle leçon de cet échec et il n'y a chez lui pas l'once d'une remise en question. Il parie sur une forme d'amnésie collective, un syndrome d'Alzheimer à l'échelle du pays, tout comme d'ailleurs les autres candidats des « Républicains » comme François Fillon, déjà nommé, Alain Juppé, voir Bruno Le Maire.
Montebourg: béquille ou canne anglaise?
Il faut maintenant parler de la candidature d'Arnaud Montebourg. Jusqu'à son éviction, il s'est battu avec courage dans le gouvernement et contre le gouvernement et les options désastreuses prises par l'Élysée. Il a eu des mots fort justes sur Hollande, son comportement, et la logique politique qu'il imposait. Mais, une fois remercié, il aurait pu faire l'effort de mise en cohérence de ses idées qui s'avérait nécessaire. Force est de reconnaître qu'il ne l'a pas fait. Il est resté sur l'économie et l'UE, sur la position qui était la sienne à l'hiver 2011-2012.
Sa candidature apparaît comme une manœuvre pour repeindre l'édifice en ruine du vieux P « S ». Ce parti avait une béquille, la candidature de Benoît Hamon, pale substitut d'une candidature de Martine Aubry. Arnaud Montebourg vient de se constituer comme la seconde. Ses déclarations, ce matin 23 août, sont éclairantes:
"Le président de la République doit prendre la décision qui s'impose, ne pas être candidat".
Il a ajouté:
«Je crois que vous avez deviné mes pensées (…) J'écoute les Français, je vis au milieu d'eux, travaille avec eux, je vois quand même la colère très présente, l'inquiétude aussi et l'absence d'espoir».
Dans un sondage secret, commandé par Solférino à l'institut Ipsos la première semaine de juillet, on constate qu'Arnaud Montebourg s'imposerait à la primaire, que ses adversaires soient François Hollande, Manuel Valls ou même Emmanuel Macron. Voilà qui accrédite l'idée qu'il s'agit bien du sauvetage du P « S ».
Faute d'avancer des propositions qui pourraient crédibiliser son discours, Arnaud Montebourg court le risque de ne pas apparaître comme naturellement légitime. Or, en politique, le temps n'attend pas. Arnaud Montebourg a devant lui quelques semaines pour prendre les bonnes décisions ou sa candidature s'essoufflera et ce d'autant plus que celle de Jean-Luc Mélenchon apparaît d'ores et déjà comme plus cohérente et mieux construite.
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