C’est la quatrième fois depuis un an qu’un hôpital soutenu par MSF est touché par une frappe de la coalition arabe, malgré le fait que les coordonnées GPS soient régulièrement communiquées.
La destruction de cet hôpital ne fait qu'aggraver la situation déjà précaire du domaine de la santé dans le pays, constate Hassan Boucenine, représentant de MSF au Yémen.
"L'intensité des bombardements est dantesque (…). Non seulement les gens sont terrorisés mais ils ont plus accès à la santé globalement, le système de santé du pays est en banqueroute. C'est très clair, c'est très simple – il y a plus de liquidités et donc les hôpitaux sont livrés à eux-mêmes. Et puis un hôpital soutenu par Médecins sans frontières, il ferme", constate-t-il.
Suite à une série de bavures qui ont provoqué une vive réaction au sein de la communauté internationale, la coalition arabe a annoncé avoir ouvert une enquête "indépendante". Or, comme le note Pierre-Emmanuel Dupont, directeur du département de droit international public et de règlement des différends au London Centre of International Law Practice, et chargé de cours à la Faculté libre de Droit, d’Economie et de Gestion de Paris (FACO), il est peu probable que la coalition arabe ait véritablement l'intention de mener une enquête de façon indépendante.
"Dans un cas comme ça, ce qui est prévu en droit international, c'est l'établissement de commission d'enquête internationale. En particulier, il y a le mécanisme qui relève des Conventions de Genève sur le droit applicable aux conflits armés. Dans les Conventions de Genève, il y a ce qu'on appelle un protocole additionnel qui date de 1977, qui a prévu l'établissement d'une commission internationale humanitaire d'établissement des faits. C'est un mécanisme justement que MSF avait essayé de mettre en œuvre lorsque la précédente attaque, la plus importante, contre l'un de ses hôpitaux était intervenue fin 2015-début 2016", explicite-t-il.
Or, cette commission ne peut agir que si elle a l’accord des parties en conflit. Et visiblement la coalition arabe qui est partie dans le conflit, les pays qui la compose et en particulier les pays du Conseil de coopération du Golfe, n'est pas disposée à donner son accord à la mise en œuvre de ce mécanisme, estime-t-il.
"Au niveau des Nations unies, il y a différents mécanismes mais le principal que j'envisage, c'est le Conseil de sécurité. Et le Conseil de sécurité a visiblement un blocage. Il n’y a pas dans les résolutions du Conseil de sécurité sur le Yémen de condamnation des frappes de la coalition arabe parce que visiblement il n'y a pas de consensus sur ce point. Quand on lit les résolutions du Conseil de sécurité sur le Yémen, on voit une dénonciation unilatérale de l’usage de la force par les Houtis, tout à fait unilatérale, de sorte que le Conseil de sécurité en 2015, en 2016 institue des sanctions et un embargo sur les armes contre les Houtis, unilatéralement. Mais en revanche la Coalition arabe n’est pas visée", a conclu l'expert.