Jours d'ouverture, le dictat sur les commerçes indépendants

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C’est une affaire qui a fait parler. 18 commerçants, sommés de payer des amendes exorbitantes pour ne pas avoir ouvert leurs commerces le 14 juillet, contestent la décision de la direction du centre commercial.

Depuis, la direction du Grand Var avait expliqué que "l'ouverture le 14 juillet 2016 avait fait l'objet d'un vote à l'unanimité par les commerçants présents en assemblée". Pourtant, elle semblait reconnaître que le montant des amendes était exagéré.

Mais il y a des opposants récalcitrants dans ce petit village gaulois de commerces: ils sont deux et ils n'ont pas non plus ouvert ce lundi 15 août férié, pour l'Assomption. Philippe Madau, propriétaire du Cuirs Saint-Germain a déjà reçu une amende de 38.880 euros. On se demande ce qui l'a poussé à continuer son action:

"La cohérence, tout simplement. Si nous considérons que le 14 juillet, fête nationale du pays, on ferme, le 15 août — fête religieuse — il n'y a aucune raison que l'on ne ferme pas une nouvelle fois. Comme on le fait chaque année, on est dans le Centre depuis trente ans.
C'est seulement cette année que nous étions pénalisés"

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La concurrence devient de plus en plus serrée dans le monde du commerce. Mais il doit y avoir certainement une raison pour que le contre commercial passe à l'acte et serre la vis d'une manière si radicale.

"La première raison, on est dans la procédure d'éviction. Depuis plus de trois ans, le bailleur — le Centre commercial ne souhaite pas nous renouveler le bail commercial. Tous les moyens sont bons pour nous mettre dans une situation délicate. Sachant que nous avons cette procédure qui devrait aboutir et qu'elle devrait obliger le bailleur à nous verser l'indemnité qui a été déterminée par l'expert indépendant lors de cette procédure. Ça a l'air de les embêter, ils voudraient pouvoir nous mettre dehors à moindres frais"

Visiblement, cette procédure d'éviction a des raisons sous-jacentes. Et il ne s'agit pas juste d'avoir un autre candidat plus intéressant pour la location de la boutique.

« Cela est lié au loyer. A bout de trente ans, le bailleur est dans son droit de ne pas renouveler le bail commercial. Juridiquement c'est légal. Lorsqu'il décide il essaie d'employer tous les moyens pour pouvoir évincer le locataire à moindres frais. C'est le problème de fond, si on gratte un peu »

Pour Philippe Madau qui emploie deux personnes et réalise un chiffre d'affaires d'environ 400.000 euros, sa trésorerie ne permettrait pas de régler l'amende de 38.000 euro que lui « coûté » la fermeture du 14 juillet:

« 38.000 euros — dans les meilleurs années, c'est le résultat de l'année. Ça n'a pas été le cas ces dernières années parce qu'on rencontre pas mal de difficultés »

Quelle est la tendance de remplacement des boutiques?
« Les centres commerciaux se sont faits il y a une trentaine d'années sur les commerçants indépendants, les petites enseignes. L'idée est aujourd'hui d'évincer les petites enseignes, les petits indépendants de façon à avoir les enseignes nationales plus représentatives et surtout de pouvoir majorer, d'avoir des loyers qui sont considérables»

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Enfin, c'est la mondialisation et l'uniformisation qui est en marche?

« Absolument. On est face à des sociétés comme Klepierre qui est le gestionnaire du centre commercial, on a un patron le 87e patron le mieux payé en France. Nous, petits commerçants, on est dans ces centres commerciaux et on essaie par tous les moyens de nous mettre dehors et de ne pas nous payer l'indemnité à laquelle on a le droit, parce que la propriété commerciale en France est quelque chose de légal »

Pratiques pour les clients, les centres de l'envergure du Grand Var deviennent une souricière pour les petites enseignes en cas de déménagement forcé:

« On n'a pas pour l'instant de replis. C'est la guerre des centres commerciaux: ce nouveau centre est le concurrent direct du notre à travers les sociétés bailleurs qui sont des sociétés multinationales. C'est la guerre des grands. Si le nouveau centre commercial avait décidé d'ouvrir le 14 juillet et le 15 août, le centre dans lequel on est, veut à tout prix s'aligner. Je pense que c'est l'une des raisons aussi »

Et la souricière se ferme sur ceux qui veulent prendre une échappée et s'installer dans le centre-ville, dans une atmosphère cosy de ruelles historiques:

« Totalement au contraire. Les centres sont totalement paupérisés par les centres commerciaux. Il a eu un tel nombre de centres commerciaux que les centres des villes tombent en désuétude, pour la plupart. Les clients ne vont plus dans le centre, mais dans les centres commerciaux »

Mais si même dans les centres commerciaux le petit commerce doit se battre pour ne pas être avalé par les multinationales, n'est-on pas en route vers le self-service généralisé et ne risque-t-on pas d'enterrer définitivement le savoir-vivre français?

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