Faut-il y comprendre que Daech cherche désormais à tirer profit de chaque acte terroriste et de le détourner en sa faveur, en renforçant la peur dans la société occidentale?
Je ne pense pas que Daech +s'accroche+ à chaque événement. Finalement, Daech est rattrapé par le succès de son propre marketing, de sa propre mise en scène. C'est bien pour eux ce qui se passe, mais en réalité à mesure que Daech perd progressivement du terrain au Moyen-Orient, son pouvoir dans la guerre réelle se rétrécit, la seule possibilité pour s'en sortir: c'est de devenir un cyber-califat, exister de plus en plus virtuellement.
On se rappelle, il y a quelques années, le coup de gueule de Rokhaya Diallo, militante associative, éditorialiste et auteur de "À Nous la France". Elle s'était indignée de la mise en avant des titres anxiogènes citant l'islam et le mettant en exergue en France. Ils étaient accompagnés de photos angoissantes représentant d'immenses minarets, des hommes très barbus ou des femmes recouvertes de larges pans de tissus.
À un certain niveau, le fait de définir ces musulmans comme étant des gens qui seraient en guerre contre notre société, ça devient désirable pour ces criminels potentiels ou ces gens très narcissiques qui se sentent exclus, parce qu'ils veulent avoir un statut qui est beaucoup plus élevé que celui d'un simple criminel qui se vengerait ou d'un simple délinquant. Ils veulent avoir un statut plus noble, plus héroïque: celui d'un ennemi.
La première chose à faire aujourd'hui, ce serait d'arrêter un discours guerrier, un discours de l'ennemi musulman, parce que cela permet à ces individualités de se valoriser en étant des ennemis potentiels. Du coup, on ne peut plus rien faire, on les valorise indirectement sans s'en rendre compte. Et c'est un discours qui est tout à fait dans la continuité de ce que veut Daech.
Pouvait-on prédire l'apparition de ce nouveau profil de terroriste? On se rappelle bien les attaques similaires à Dijon et à Nantes en 2014 qui n'avaient pas été attribuées au terrorisme islamique.
Ce que je suis en train d'expliquer là, cela fait un an et demi que je le dis. J'étais le premier auditionné à l'Assemblée nationale française par la commission d'enquête et de surveillance sur les filières et individus djihadistes. J'ai été auditionné avant le ministre de l'Intérieur parce qu'il n'avait rien à dire. Personne ne savait. Or, nous, on déjà avait étudié et on a déjà pu observer ces phénomènes.
Raphaël Liogier souligne également combien le discours politique français martial est dangereux, car il peut donner de l'importance globale à un complexe personnel a priori anodin.