Ching Shih, la pirate chinoise qui terrorisait les mers d'Asie

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De Cléopâtre aux grandes impératrices russes, certaines femmes d'influence ont réussi à se faire une place dans l'histoire, méritant la reconnaissance et le respect de centaines de milliers d'hommes à une époque où c'était pratiquement impossible.

De manière plus ou moins retentissante, les femmes ont d'ailleurs participé aux jeux politiques durant toute l'histoire de l'humanité. Elles ont aussi défié la société patriarcale dans des sphères d'activité moins habituelles: étonnamment, l'un des plus grands défis au monde masculin a été lancé par une femme en Chine, pays où les traditions strictes délimitaient au maximum le rôle des hommes et des femmes dans la vie sociale.

Henry Morgan, Francis Drake, Edward Teach, un homme borgne à la jambe de bois accompagné d'un perroquet… L'image des pirates est généralement bien définie dans les esprits.

Dans la plupart des cas, ils contrôlaient un ou deux bateaux, en s'alliant parfois avec leurs homologues pour former des flottes réduites, suffisantes pour immortaliser leur nom.

​Parmi ces hommes, pourtant, ne figurait pas le pirate le plus terrifiant de l'histoire.

​C'est en Chine, sous l'apparence d'une femme charmante ne quittant jamais son éventail, qu'il faut aller chercher le pirate la plus sanguinaire — et chanceux — que l'humanité ait jamais connu. Ching Shih commandait une flotte de 2 000 navires et plus de 70 000 matelots — une puissance dont les corsaires européens ne pouvaient que rêver. Cette petite femme fragile commandait les batailles du bout de son éventail. Contemporaine de Napoléon et de l'amiral Nelson, personne n'avait entendu parler d'elle en Europe mais en Extrême-Orient, sur les vastes étendues des mers de Chine, son nom était connu du plus pauvre au plus riche.

​Ching Shih avait 26 ans quand, en 1801, les pirates chinois l'ont trouvée dans une maison close cantonaise. Le chef des pirates Cheng I l'a demandée en mariage et elle a accepté mais, d'après la légende, à condition de participer à la gestion des opérations et au partage du butin. Le pirate a accédé à ses demandes et en six ans, le couple a exterminé tous ses concurrents sur le littoral de la mer de Chine méridionale pour faire passer leur flotte à 400 navires. Quand Cheng I a été tué en 1807, la veuve, qui est entrée dans l'histoire sous le nom Ching Shih — ce qui signifie littéralement "la veuve Ching" — a pris les choses en main.

La nouvelle capitaine a instauré les lois les plus rigoureuses et a réussi à transformer ses troupes de brigandage en armée disciplinée. Les pirates ont tenté de se rebeller mais une série d'exécutions pour l'exemple les ont forcés à se résigner. Des villages côtiers entiers ont commencé à passer sous le contrôle de la pirate et à alimenter volontairement la flotte de Ching Shih car sous sa protection la vie était tranquille — de toute manière, dans le cas contraire, ils risquaient la mort.

​En quelques années, Ching Shih n'était plus à la tête d'une simple bande mais d'un véritable empire maritime avec son armée et sa flotte. La situation a ensuite tellement échappé au contrôle des autorités que la pirate était perçue comme une menace directe à la Chine: en janvier 1808 toute la flotte impériale — une force incomparable — a été lancée dans la lutte contre les pirates. Ching Shih a attiré l'escadre impériale dans un piège rusé et a remporté la bataille en s'emparant de plus de 60 navires. L'amiral qui commandait l'escadre n'a pas supporté ce déshonneur et a mis fin à ses jours. La Chine a alors tenté d'envoyer contre la pirate des aventuriers occidentaux, sans succès. Conscientes que Ching Shih était invincible, les autorités lui ont proposé un accord de paix, qu'elle a accepté en avril 1810.

​Les pirates ont bénéficié d'une amnistie totale, ont pu conserver les biens qu'ils avaient pillés et sont passés dans le service impérial, marquant la fin de la piraterie en eaux chinoises. Ching Shih a vécu jusqu'à 69 ans comme gérante légitime d'un hôtel avec une salle de jeux et une maison close, tournant ainsi la page de la carrière de pirate la plus remarquable de toute l'histoire de l'humanité.

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