Face aux "violations flagrantes et systématiques des droits humains" par le royaume wahhabite, Human Rights Watch et Amnesty International appellent à un vote de l'Assemblée Général de l'ONU dans ce sens.
"L'Arabie Saoudite a accumulé un palmarès épouvantable de violations au Yémen, alors qu'elle était membre du Conseil des droits de l'homme, et a ainsi nui à la crédibilité de cet organe en faisant usage de harcèlement pour éviter de devoir rendre des comptes".
Telle est la sentence des humanitaires face à l'attitude saoudienne de ces derniers mois.
Alors que le conseil des droits de l'homme célèbre son dixième anniversaire, l'Arabie Saoudite a non seulement lancé une guerre au Yémen, qui a déjà causé la mort de 8 000 personnes et déplacé près de deux millions et demi d'autres, les forces de la coalition menée par l'Arabie saoudite y utilisent des armes à sous-munitions, interdites par les conventions internationales et bombarde de manière indiscriminée objectifs militaires et zones civiles: le tout constituant des violations des lois de la guerre.
Pire, pointée du doigt dans un rapport accablant du secrétariat de l'ONU, l'Arabie Saoudite n'avait pas hésité à menacer l'institution de couper court à tout financement de programmes d'aides pour voir le nom de la coalition qu'elle mène, retiré d'une liste de la honte: celle des organisations qui tuent des enfants dans les conflits. Enfin, à domicile, ce ne sont pas moins de 350 exécutions qui ont été menées depuis que le royaume a rejoint le Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies en janvier 2014, et dont elle a pris la direction du panel en septembre 2015.
Face à ce constat, dans un appel conjoint, les deux ONG en ont appelé à un vote de l'Assemblée générale de l'ONU afin de suspendre la participation de l'Arabie Saoudite à son conseil des droits de l'homme… à ce titre, je vous propose d'écouter le commentaire de Belkis Wille, chercheuse spécialiste de l'Irak et du Yémen au sein de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Human Rights Watch:
"Si on est membre du Conseil des droits de l'homme, on doit respecter les droits de l'homme, et quand on voit les violations flagrantes et systématiques il est impossible que l'Arabie Saoudite puisse rester membre du Conseil. Nous — Human Rights Watch — comme Amnesty International, avons lancé cet appel à l'Assemblée générale pour suspendre l'Arabie Saoudite comme membre de ce conseil"
Pour la responsable d'Human Rights Watch, la gravité de la situation impose de lancer cet appel, quelles que soient ses chances d'aboutir, d'autant plus que cette démarche pourrait être l'opportunité d'attirer l'attention de la communauté internationale sur le conflit yéménite, qui est peu relayé dans les médias occidentaux:
"Nous sommes dans une obligation de faire cet appel, car c'est véritablement impossible de garder le silence face à ces violations flagrantes, systématiques, et pas qu'au Yémen: en Arabie Saoudite le gouvernement commet des violations quotidiennes envers la moitié de la population, c'est-à-dire des femmes, des voix d'opposition et de la communauté gay ou de la population chiite".
Une attitude de l'Arabie saoudite vis-à-vis du Secrétaire général de l'ONU que déplore Rudy Salles, membre du groupe d'amitié France-Arabie saoudite de l'Assemblée nationale, mais aux yeux du député du Nouveau Centre, exclure l'Arabie Saoudite du Conseil des droits de l'homme pourrait s'avérer être une manœuvre contreproductive:
"Les pays qui respectent les droits de l'homme aujourd'hui sur la planète, malheureusement sont, je crois, plutôt minoritaires. Donc si on suit cette démarche-là, il faudrait exclure de très nombreux pays… et donc je ne suis pas favorable: je pense qu'il vaut mieux les avoir à l'intérieur, de faire pression sur eux. Je suis moi-même député et j'ai siégé un organisme qui s'appelle l'union interparlementaire qui regroupe l'ensemble des parlements du monde et l'Arabie Saoudite ne faisait pas partie de cet organisme, j'ai fait un rapport qui a permis à l'Arabie Saoudite d'entrer dans cet organisme, et à l'époque l'Arabie Saoudite ne pouvait pas bénéficier de tous les droits à l'intérieur de cette organisation, car il n'y avait pas de femmes parlementaires, et bien nous avons fait pression sur l'Arabie Saoudite et aujourd'hui il y'a un quart de femmes parlementaires aujourd'hui en Arabie Saoudite. Si on les avait laissés à l'extérieur de cette organisation internationale, probablement que les choses n'auraient pas bougées, et qu'il n'y aurait pas de femmes parlementaires aujourd'hui en Arabie Saoudite".
"Je ne pense pas que cela ait fait évoluer quoi que ce soit; qu'il s'agisse du Yémen ou de la situation intérieure, avec notamment des exécutions — non seulement de terroristes —, mais aussi de citoyens, notamment chiites, qui ont manifestés pacifiquement ou encore de ce jeune blogueur qui a été condamné à de la prison et une multitude de coups de fouet, ou encore de ce jeune Ali, qui a été condamné à mort alors qu'il était mineur lorsqu'il avait manifesté et que c'était une manifestation pacifique. Donc il est bien évident que la situation des droits de l'homme — ne parlons pas des droits de la femme — en Arabie Saoudite fait qu'il est pour le moins paradoxal que l'Arabie Saoudite puisse présider un conseil des Droits de l'Homme à un échelon onusien".
350 exécutions, des massacres d'enfants yéménites, c'est en effet pour le moins paradoxal. Mais il semble qu'Amnesty International et Human Rights Watch ne goûtent pas ce type de contradictions.
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