Elections primaires en France : le dévoiement de la Vème république

© Sputnik . Irina Kalashnikova / Accéder à la base multimédiaLes élections en France
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Tous les hommes politiques français “présidentiables”, désormais, ne jurent plus que par cela, ne pensent plus qu’à cela : “les primaires”. Ces fameuses élections primaires, à l’heure ou la France traverse une grave crise morale et politique, sont devenues une véritable obsession de la vie politique française.

Les médias de masse, dont la culture générale laisse hélas souvent à désirer, applaudissent. C’est vrai ; “primaire”, ça fait chic. Parce que ça fait américain, et le tropisme ambiant s’en trouve satisfait. 

En France, il y a maintenant des “primaires”, comme les américains : fantastique  !

Le hic, c’est que la comparaison s’arrête là. Car les institutions américaines n’on vraiment pas grand chose en commun avec les nôtres.

Les français, avec leur état centralisé, ont toujours eu beaucoup de mal à saisir le fonctionnement des nations fédérales, comme la Suisse ou les Usa. Le Président des Etats Unis à en réalité beaucoup moins de pouvoir que le président de la Vème république française. Des choses aussi fondamentales que la peine capitale, l’âge légal du mariage, les impôts ou le droit de fumer dans la rue diffèrent d’un état à l’autre ! Tel crime vous enverra à l’échafaud au Texas, mais pas en Californie… 

Le président américain a en réalité assez peu d’incidence sur la vie quotidienne des américains, sauf si il décide de faire la guerre, ce qu’il fait d’ailleurs souvent. Ses pouvoirs s’exercent surtout à l’extérieur : défense, diplomatie.

Par conséquent, tout rapprochement à ce niveau est totalement abusif.

Les élections “primaires” n’améliorent pas le système américain…

Ce qui est vrai en revanche, c’est que le système américain sur lesquels tant de médias s’esbaudissent, est loin d’être un modèle. Plus de 50% des américains ne votent jamais, primaires ou pas primaires (vous me direz maintenant c’est là même chose en France: mais chez nous c’est assez récent ; aux Usa cela a toujours été). Enfin c’est un pays ou on peut être élu avec moins de voix que son adversaire : G.W. Bush contre Al gore en 2000,  450.000 voix – presque un demi million ! — en faveur du second.

C’est arrivé également en 1876 et en 1888. Ce sont les charmes du fédéralisme : ce n’est pas 1 voix de citoyen = 1 autre voix, car ce sont de grands électeurs, pour lesquels votent les citoyens, qui décident, ceci en fonction du poids de chaque état… et la répartition n’est pas le reflet parfait de l’importance des uns et des autres. Les élections présidentielles américaines sont en quelque sorte un faux suffrage universel, un suffrage censitaire, puisqu’elles ne respectent pas le principe : 1 homme = 1 voix.    

Revenons à la France : l’élection au suffrage universel direct, fondement de la Veme république

Le général de Gaulle, en instaurant la Vème république, a souhaité en finir avec les intrigues de couloir à la Chambre des Députés sous la IVème, ou les parlementaires faisaient et défaisaient à peu près tous les six mois le gouvernement français, condamnant l’exécutif à l’impuissance, alors que le pays connaissait les évènements les plus graves : guerre d’Indochine, puis d’Algérie. Il avait conçu une aversion profonde pour les appareils politiques, à qui il reprochait, à juste titre, d’avoir confisqué la volonté populaire.

© Sputnik . M.Gankine / Accéder à la base multimédiaCharles de Gaulle et Nicolaï Podgorny à l'aéroport de Vnukovo, 20 juin 1966
Charles de Gaulle et Nicolaï Podgorny à l'aéroport de Vnukovo, 20 juin 1966 - Sputnik Afrique
Charles de Gaulle et Nicolaï Podgorny à l'aéroport de Vnukovo, 20 juin 1966
L’élection du président de la république, qui est le pilier de la Vème république, procède de cette logique. De Gaulle a souhaité que les candidats puissent se présenter directement au suffrage des électeurs, sans passer par des corps intermédiaires (jusque là le président de la république française était élu par le parlement). De ce face à face direct avec le peuple, le président devait tirer sa légitimité.

Aujourd’hui, les temps ont changé. Ce qui était bon il y a un plus d’un demi-siècle ne l’est peut être plus aujourd’hui. De Gaulle n’avait prévu ni Internet, ni Twitter, ni Facebook. On peut penser, (c’est mon cas), que le président, aujourd’hui, à trop de pouvoir. Voire même, pourquoi pas, vouloir en finir avec l’élection du président au suffrage universel. Après tout, la IIIème république, durant 70 ans, ne s’est pas si mal portée. Elle a gagné la première guerre mondiale, récupéré l’Alsace-Lorraine, gouverné un immense empire. Et ce n’est pas le fait que le président soit élu au suffrage universel qui aurait empêché le désastre de 1940…

Les institutions ont vieilli. Mais ce n’est certainement pas en instaurant ces pseudo élections que sont les primaires, que l’on rénovera ce qui en a bien besoin.

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Les primaires signent un verrouillage supplémentaire, très subtil, des deux principaux partis sur la vie politique, le tout sous couvert d’avancée démocratique. Elles reviennent à confisquer au peuple la liberté fondamentale de faire son choix par lui même parmi des candidats, tous les candidats. Puisque des membres, voire des sympathisants d’un parti politique (corps intermédiaire, aux contours en réalité mal définis, non prévu par notre constitution, et soumis à aucun code électoral) vont choisir à votre place celui ou celle pour qui il vous faudra voter.

Il est d’ailleurs bien étrange de constater que le gouvernement et le parlement, qui font preuve d’ordinaire d’une frénésie législative quasi-compulsive – légiférant à tout propos et en toute occasion – n’éprouvent pas le besoin d’encadrer le moins du monde un processus qui a des conséquences aussi fondamentales sur la vie publique.

Rappelons que c’est la constitution, rien de moins, qui règle dans le moindre détail l’élection du Président de la République, dans ses articles 6 et 7. Ce dernier article ne compte pas moins de 11 alinéas !

Mais, pour les “candidats à la candidature” rien. Pas même une petite loi ! Il y aurait pourtant matière ! Sur quels critères sont sélectionnés les “électeurs” ? qui contrôle la validité de leur carte de militant ? quels sont les délais de convocation ? qui contrôle la validité du scrutin ? que sa passe t-il en cas de contestation des résultats ? nous avons vu le psychodrame consécutif à l’élection chez les républicains de JF. Coppé contre F. Fillon…  Quid de l’affichage, la publicité relative à la campagne? etc etc…

En résumé, c’est devant les électeurs, et tous les électeurs, qu’un candidat doit obtenir sa légitimité. Et non au travers de je ne sais quelle pseudo-élection organisée par un corps intermédiaire, non défini par la constitution, ni même encadré par un texte de loi.

(Là encore, la différence avec les Etats Unis saute aux yeux. Là bas, les primaires suivent un rituel immuable, ou les deux camps suivent un itinéraire parfaitement parallèle).

Cette acceptation béate d’un procédé pervers, car il vise en réalité à maintenir les mêmes oligarques de la politique au pouvoir en verrouillant le débat, constitue un dévoiement de nos institutions. Ce n’est certainement pas avec ce système que l’on luttera contre l’abstention rampante et l’affaissement généralisé de la Vème république.  

C’est “grâce” aux élections primaires au sein du parti socialiste, que nous avons eu Monsieur Hollande en 2012, désigné — paraît-il — démocratiquement par les militants et les sympathisants. Lequel n’avait jusque alors jamais occupé le moindre mandat ou poste exécutif d’importance sinon au sein de son propre parti!

Nous avons vu le brillant résultat pour la France… une immense majorité de français comptent les jours nous séparant de la prochaine élection présidentielle. Elles devraient être synonyme de soulagement ; nous devrions être enfin débarrassés d’un homme, qui, à l’évidence, n’a jamais eu la capacité d’occuper la fonction suprême. On peut légitimement se poser la question: est-ce bien le choix qu’auraient fait les français si ces fameuses “primaires” n’avaient pas imposé ce candidat aux électeurs ?

 

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