Quelques heures avant l'attaque, l'Union démocratique kurde faisant partie des Forces démocratiques syriennes, annonçait qu'elle allait coordonner ses actions à la fois avec les USA et la Russie. Une proposition qui gêne, semble-t-il, Washington. Karim Pakzad, chercheur à l'IRIS, spécialiste du Moyen Orient, nous explique pourquoi.
« Depuis le combat à Kobané où les Kurdes ont résisté contre l'offensive de Daech, les USA et d'autres pays occidentaux aident, y compris militairement, les Kurdes. Parmi toutes les forces qui existent en Syrie, c'est la seule force laïque. Or, cette force laïque a des contacts avec le régime syrien. Celui-là a même protesté lorsque l'ONU n'a pas invité cette coalition à la table des négociations à Genève contrairement à ce que demandaient l'Iran, la Russie et la Syrie. Donc il y a une certaine divergence entre les USA et les autres pays notamment ceux qui soutiennent le régime syrien, à savoir l'Iran et la Russie, vis-à-vis de cette force. »
Le ministère russe des AE a confirmé que Moscou était prêt à coopérer avec les forces d'opposition syrienne ayant lancées l'offensive ainsi qu'avec les USA et la coalition les soutenant. «…Nous sommes prêts pour une telle coordination, déclarait Sergueï Lavrov mardi. Je l'affirme en toute responsabilité. Raqqa est l'une des cibles de la coalition antiterroriste tout comme Mossoul en Irak. Nous sommes convaincus qu'il aurait été plus efficace et plus rapide de libérer ces agglomérations si nos militaires (ceux de la Russie et des USA) avaient commencé à coordonner leurs actions plus tôt. Il y a maintenant une chance qu'une telle coordination ait lieu. Nous pensons que l'aviation russe et celle de la coalition guidée par les USA doivent travailler simultanément… et aider ceux qui sont au sol à contrer réellement des groupes terroristes. Il s'agit là des forces armées de la République arabe syrienne et, évidemment, différentes milices kurdes y compris l'aile armée du parti de l'Union démocratique ».
« Je pense que c'est très difficile sur le terrain d'avoir une coordination entre la Russie et les Etats-Unis sur la scène syrienne. Pour une raison très simple. C'est que chaque pays a des objectifs totalement différents. Les Russes veulent stabiliser le pays, veulent que la sécurité règne et éliminer tous les terroristes. Mais les USA voient peut-être dans certaines branches des terroristes une force qui pourrait jouer un rôle fonctionnaliste, qui pourrait remplir cette tâche de diviser la Syrie. »
Mais de l'avis de Karim Pakzad, même s'il y avait un plan quelconque de division de la Syrie, il serait voué à l'échec, car plusieurs acteurs s'y opposeraient.
« Beaucoup parlent de cette division de la Syrie ou de l'Irak. Mais je pense qu'aucun pays occidental, ni la Russie ne sont pas prêts à reconnaître certaines divisions. Parce que si jamais on reconnaît une certaine division en Syrie, à ce moment-là il y aura une contagion… en Turquie, en Irak, en Iran. Et aucun de ces pays ne reconnaîtra cette division. C'est pour cette raison je ne crois pas à cette éventualité. »
Selon Karim Pakzad, la volonté des groupes rebelles de se distinguer des terroristes d'Al-Nosra reflète un changement définitif de la situation en Syrie.
« Cela veut dire que ces forces soutenues par les Américains commencent même à discuter de certains éléments militaires avec la Russie. Je pense qu'on ne peut pas combattre l'Etat islamique en Syrie et en Irak sans la collaboration entre l'Iran, la Russie, les USA et le régime syrien, et en Irak entre le gouvernement et les milices chiites et sunnites. Ces petits groupes ont compris que désormais ils n'ont pas d'avenir s'ils se collent toujours avec Al-Nosra. C'est la raison pour laquelle ils essayent aujourd'hui de s'éloigner d'Al-Nosra pour leur survie. C'est un élément essentiel qui montre qu'on est vraiment entré dans une période d'affaiblissement d'Al-Nosra et de Daech. Et l'offensive lancée par les Forces démocratiques syriennes dans le Nord de Raqqa le montre aussi. J'ai été à Bagdad il y a quelques jours et je vois que la situation commence à changer. »
Riadh Sidaoui souligne le rôle décisif de l'opération russe en Syrie qui a permis à des forces d'opposition de réévaluer les choses.
« C'est le rationalisme syrien. Cela veut dire que la guerre doit avoir fin un jour ou un autre, que le régime ne va pas tomber à la libyenne ou à l'irakienne en 2003. Le régime est encore solide. L'armée nationale syrienne est encore solide. En plus ses alliés sont déterminés. Ces opposants ont compris qu'ils ne pouvaient pas gagner dans l'autre camp. Ils sont en train de réviser leur position politique afin de prendre des positions plus rationnelles. L'intervention russe efficace, rapide, forte contre les terroristes a mis fin à tout espoir que le régime tombe et que les terroristes gagnent cette guerre. »
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