"Au cours des trois dernières années, un nombre record de membres chevronnés de ce groupe sont arrivés en Syrie. Ce phénomène est à considérer dans le cadre de la renaissance voilée de l'autorité centrale d'Al-Qaïda, au seuil même de l'Europe", déclare l'expert.
Selon lui, le Front al-Nosra, groupe terroriste affilé à Al-Qaïda qui a mis environ 5 ans à s'implanter sur le sol syrien, est en train de tâter le terrain pour la création du premier Etat souverain d'Al-Qaïda.
"En Syrie, l'Etat islamique (Daech, ndlr) et Al-Qaïda ont recours à différentes tactiques, mais ils ont des buts ultimes parfaitement similaires, à savoir créer un Emirat islamique. Daech a pris le contrôle de la population et a rapidement proclamé son indépendance. La branche syrienne d'Al-Qaïda a quant à elle pris son temps, en s’efforçant de renforcer son influence dans les régions qu'elle envisage de diriger", lit-on dans l'article.
La création de l'Emirat risque d’avoir de graves conséquences.
"Il est fort probable que le nombre d'exécutions augmentera, les libertés civiles seront bridées et le Front al-Nosra fera preuve de moins de tolérance à l'égard des organes de l'opposition non-religieuse, nationaliste et civile", indique l'expert.
Sur la scène internationale, les conséquences seront encore plus importantes. L'Emirat d'Al-Qaïda et son autorité centrale restaurée dans le nord de la Syrie renforceront la confiance envers la "marque" terroriste. Al-Qaïda se présentera comme une organisation sage, méthodique et déterminée dont la stratégie, contrairement à celle de Daech, est proche de la vision des sunnites.
Mais le Front al-Nosra est-il vraiment proche de la création d’un Emirat en Syrie? D'après l'auteur de l'article, lorsque le cessez-le-feu est entré en vigueur et que le groupe a tenté de promouvoir ses consultations sur l'Emirat, la réaction de l'opposition modérée a été extrêmement négative. Les Syriens ne voulaient pas d'un Emirat.
Mais alors que le cessez-le-feu est de fait rompu et que le processus de paix à Genève semble subir un échec, l'influence du Front al-Nosra au Proche Orient s'accroît de plus belle. Le groupe recrée une coalition militaire et envisage de lancer une attaque d'envergure au sud de la province d'Alep afin de saper les tentatives de la Russie et des Etats-Unis d'étendre le cessez-le-feu à cette province.
Selon Charles Lister, dans cette situation, l'Occident devrait augmenter considérablement son aide aux forces de l'opposition crédibles et fiables. Si le Front al-Nosra a connu un regain considérable de puissance, c'est justement car l'opposition modérée n'avait rien à lui opposer et recevait un appui trop faible, écrit l’auteur.