L'apparition d'idées qui détruisent les notions universelles est aussi vivifiant qu'une bouffée d'air frais. Parfois il faut pourtant démystifier les démystificateurs eux-mêmes. Nombreuses ont déjà été les nouvelles "vérités" pas plus véritables que le mythe qu'elles tentaient de faire tomber.
La démystification des démystificateurs est devenue l'affaire d'une vie pour Mike Sutton, professeur de criminologie à l'université de Nottingham Trent (Royaume-Uni), qui a notamment démystifié le mythe du marin Popeye.
En réalité, selon l'étude de Sutton, la démystification du "fait" sur le fer dans les épinards était tout aussi fausse. L'expert britannique a établi que, premièrement, dans une série Popeye expliquait en 1932 les bienfaits des épinards par une teneur élevée en vitamine A, et non de fer, et deuxièmement que l'augmentation de la consommation de légumes en Amérique avait commencé avant que ce personnage ait avalé sa première boîte de "super-produit" (en 1931).
On doit également à Sutton une autre démystification, encore plus retentissante, concernant le héros de tous les sceptiques: Charles Darwin. Dans son livre Nullius in Verba: Darwin's Greatest Secret le criminologue affirme que Darwin, consciemment ou non, a "volé" l'idée de la sélection naturelle à l'Écossais Patrick Matthew, qui en avait parlé dans son travail au début des années 1830, c'est-à-dire un quart de siècle avant Darwin et Alfred Wallace. Quand, dans les années 1860, Matthew a accusé de plagiat l'auteur de L'origine des espèces, ce dernier a répondu que l'Écossais l'avait effectivement devancé mais que ni lui ni Wallace n'en avaient entendu parler — par conséquent ils ne pouvaient rien voler et avaient tout inventé eux-mêmes. Cette histoire a mis en évidence comment l'une des plus grandes théories humaines pouvait facilement passer inaperçue à cause du statut de l'auteur ou pour d'autres raisons.
"Quand la destruction d'un mythe concerne un thème aussi important que la théorie de l'évolution, elle n'est pas perçue comme un nouveau fait comme dans l'exemple de Popeye", déplore Sutton. Dans ce cas, les nouvelles informations deviennent si subversives que les gens ne souhaitent pas les admettre car elles ébranlent fortement les idées reçues. De plus, le chercheur lui-même risque de se transformer de sérieux démystificateur en personnage excentrique.