Tout commence à la fin du mois de mars, lorsque les médias russes annoncent la mort d'un jeune officier en Syrie: son acte aussi brave que terrible a été peu relayé en France, mais les Magué ont peut-être permis de le révéler. Alexandre Prokhorenko, dont la mission sur le site antique de Palmyre consiste à repérer au sol les cibles des futures frappes aériennes, se retrouve piégé par les terroristes de Daech. Il demande alors à son commandant d'ouvrir le feu sur lui: le jeune homme de 25 ans est pris dans les bombardements, les djihadistes avec. La nouvelle est relayée sur une page Facebook: c'est de cette manière que les époux Magué apprennent, bouleversés, la mort "en héros" de l'officier et décident d'honorer son geste en offrant à la veuve du militaire une Croix de guerre 39-45 et une Légion d'honneur gagnées au champ d'honneur par des membres de leurs familles.
Tous deux ont alterné leurs carrières professionnelles entre le militaire et le civil: mais c'est surtout à travers un souvenir très intime qu'ils sont touchés de plein fouet: "On a fait le rapprochement avec notre fils qui est mort, non pas en combattant, mais à Sarajevo en Bosnie. Cela fait maintenant 15 ans, et on l'a appris comme ça, par un coup de fil". Frappés à nouveau. Immédiatement, les Magué pensent aux proches d'Alexandre, à ses parents et à sa femme, enceinte, qu'ils imaginent "dans le malheur le plus complet". Ils s'interrogent:"Pourquoi personne n'en parle? " Ils décident donc d'envoyer aux proches d'Alexandre ce que leur propre famille a reçu de plus valeureux, une Croix de guerre 39-45 et une Légion d'honneur; ils en informent l'ambassade russe à Paris: sans le savoir, ce sera pour eux le début d'un long voyage.
Ce défilé du 9 mai auquel ils sont conviés célèbre le "Jour de la Victoire": événement relativement peu mis en avant dans les manuels scolaires outre-Volga, la libération de Berlin par les Soviétiques, qui fuit suivit par la capitulation de l'Allemagne nazie, fait l'objet chaque année en Russie depuis 1965 d'une cérémonie aussi faste qu'exaltée sur la Place rouge: défilé des différentes unités terrestres, matériel militaire et survol de l'aviation. Ce n'est donc pas rien d'avoir convié ce couple de retraités de Florensac, installé depuis 20 ans dans cette petite commune de l'Hérault. Toutes les histoires se recoupent, mais les époux raisonnent: "Il faudra que les guerres s'arrêtent, un jour ou l'autre".
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.