C'est au Kurdistan Irakien que nous emmène maintenant notre périple en compagnie de la CHREDO, Coordination des Chétiens d'Orient en Danger, présidée par Patrick Karam. Erbil, la capitale de cette région kurde, est à seulement quelques dizaines de kilomètres de Mossoul, l'un des fiefs de Daech, et des horreurs de la guerre, qui ont fait fuir des milliers de gens. Nous sommes partis rencontrer des familles des réfugiés au camp Ashti, à Ankawa.
Le paysage n'est pas rassurant: plusieurs bâtiments en construction, abandonnés à l'arrivée de Daech dans la région, des squelettes d'immeubles, ce qui aurait pu devenir un foyer de plusieurs centaines de familles, un centre commercial ou culturel. Des signes d'une vie normale et paisible, oubliés par ceux qui nous avons rencontrés.
Le camp Ashti: plus de 1500 familles. Chacune a son histoire, ses pertes et ses espoirs.
Cette femme vit depuis deux ans ici avec sa fille, son mari a été capturé par Daech, depuis ils n'ont aucune nouvelle de lui:
"Je m'appelle Nidal. Je suis chrétienne originaire de Bartella et mère de trois enfants. Mon mari a été enlevé par les combattants de Daech. Personne n'apporte d'argent à la famille, nous n'avons pas de soutien. La situation de notre famille est très difficile. Ma fille est malade. Mais je n'ai pas la possibilité de l'emmener se faire soigner et j'ignore si mon mari est vivant ou s'il est déjà mort. J'espère que votre mission consiste à m'aider parce que je n'ai aucune source d'argent. Vous savez à quel point la vie est difficile pour une femme sans homme. La vie d'une telle femme est moins que rien. J'ai deux enfants qui vont à l'école et puis une fille. Je n'ai aucune nouvelle de mon mari."
Une mère de famille nous raconte pourquoi ils ont dû partir malgré son mauvais état de santé:
"J'étais à l'hôpital après une opération de la vésicule biliaire. Nous nous sommes mis en route le 6 et nous avons marché jusqu'à ce qu'on atteigne Koya. J'ai des sutures fraîches, je viens de subir une opération. Mon frère était là-bas, mais il a refusé de partir. Mais sept jours plus tard, il a quand même dû partir. C'est ainsi qu'on nous chasse. Les combattants de Daech nous disaient que nous pouvions rentrer et nous donnaient une garantie de sécurité en échange d'une rançon pour chaque personne. C'est-à-dire que la personne ne pouvait rejoindre sa famille qu'après avoir payé une rançon. Il y avait une personne crucifiée qui était pendue là, mais on l'a déplacée par la suite."
Cet homme s'occupe de ces deux garçons qui ont été blessés au cours d'une attaque des djihadistes:
"Ces enfants sont venus de Bagdad. Ils ont été renversés par un Hummer militaire. Leurs parents sont décédés il y a six ans et quatre mois. Maintenant, c'est moi qui suis responsable d'eux. Ils n'ont personne pour les aider, ils n'ont pas de quoi manger. J'ai 60 ans, je suis diabétique et j'ai six enfants. On est huit en tout avec cette fille-là. Celui-ci a un œil au beurre noir."
Ces deux femmes nous expliquent comment elles pu quitter Qaraqosh, une ville au nord de l'Irak, et la peur les habite encore quand elles repensent à leur départ:
"Nous avons eu très peur avec les enfants lorsque les combattants de Daech sont venus à Qaraqosh. Déjà avant l'arrivée des combattants de Daech, l'anxiété était palpable. À Qaraqosh, nous avions très peur de Daech. Nous étions très près de leurs canons. À chaque fois qu'ils tiraient, notre maison tremblait très fort. Mais mon frère disait que tant que les Kurdes étaient là, on était en sécurité. C'est pourquoi nous y sommes restés jusqu'à la fin. Et la nuit, il y a eu un bombardement intensif. Un ami est venu voir mon frère et lui a dit: +Point final! Les Kurdes battent en retraite+. Mon frère a eu très peur. Il a tout de suite emmené la mère et les enfants au Kurdistan.
Le camp est principalement occupé par des chrétiens, le lieu de culte a été construit avec ce qu'il y avait sous la main…
Toutes les personnes que j'ai rencontrées à Ankawa transmettent le même message: c'est moins l'aide matérielle qu'ils attendent de l'Occident que le retour de la paix dans leur pays.
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