Ce fut l'occasion de rencontres fortes en émotions avec des chefs religieux chrétiens, dont plusieurs sont arméniens. Les hommes politiques se sont rendus sur place pour exprimer leur solidarité avec le peuple arménien, en lien avec la tragédie qui l'a frappé voilà plus d'un siècle.
Nous avons rencontré l'une des plus grandes personnalités de l'Église apostolique arménienne — Aram Ier Kechichian. Un homme charismatique et chaleureux, qui a évoqué les problèmes politiques et démographiques du Liban, la guerre sans fin qui frappe la Syrie voisine et la quasi-absence d'aide de la part de l'Europe. Il nous a fait découvrir la célèbre chapelle d'Antelias, au nord de Beyrouth.
Cet endroit est le témoin silencieux des atrocités du premier génocide du XXe siècle, organisé par le gouvernement turc en 1915: ici reposent les ossements des martyrs arméniens:
Le deuxième grand représentant de l'Église arménienne au Liban que nous avons pu rencontrer est le Patriarche Grégoire Pierre XX Ghabroyan, qui réside à Ashrafieh. Il a témoigné qu'en 1946 déjà, il entendait parler d'une guerre au Moyen-Orient:
"Je ne sais pas qui a dit cela, mais moi je l'ai bien entendu. J'avais 12 ans, donc j'étais conscient. À 12-13 ans je suis entré au séminaire, je savais ce que je voulais, je répondais à l'appel de Dieu. Donc je comprenais. J'ai entendu, mais je ne pouvais pas imaginer comment cette guerre allait se passer au Moyen-Orient. Mais personne ne parlait des énergies [fossiles, ndlr] que nous avons découvertes ici. S'il n'y avait ni pétrole ni gaz ici, personne ne serait au Moyen-Orient."
Le patriarche a précisé que d'après lui, dans la région c'est la politique qui instrumentalise la religion et non le contraire:
"Exact. Tout le monde l'a dit, le Pape l'a dit, nous le savons tous. Non, non, c'est un prétexte, ça n'a rien à avoir avec [la religion, ndlr], d'ailleurs les musulmans eux-mêmes n'acceptent pas ça, ils ne sont pas avec tueurs de Daech, pas du tout. D'ailleurs ce qu'ils font, c'est inhumain! Les bêtes sauvages, les bêtes les plus sauvages ne font pas ça. Et ça, ils le font au nom de Dieu, mais ils croient en Dieu, oui? Qui c'est leur dieu?"
Puisque François Hollande a été en visite au Liban ces jours-ci, j'ai demandé quelles étaient les attentes dans la région vis-à-vis de la France:
Nous avons également fait connaissance avec Georges Assadourian, évêque auxiliaire du diocèse patriarcal de Beyrouth, qui s'exprime au sujet de la visite du président français. Il a remarqué avec tristesse que ce n'est pas 150 millions d'euros entre 2016 et 2018 qui vont vraiment aider à résoudre la crise migratoire et le conflit syrien:
"Il y a presque un million deux cent mille Syriens. Alors la population [libanaise, ndlr], c'est presque 3 millions. Alors qu'est-ce qu'ils vont faire, qu'est-ce qu'ils peuvent faire? Si vous calculez seulement la scolarité des enfants, en 2015, 60% de naissances au Liban, c'était des Syriens. Et 60% aussi des élèves qui fréquentent les écoles d'État […] sont des Syriens. Alors c'est le Liban qui paie. Et tous les Syriens qui entrent dans les hôpitaux, ils entrent gratuitement, ils ne paient rien. Les Libanais doivent payer, mais eux non. Alors ça coûte. Ça coûte en électricité, en eau, etc. Même la nourriture — ce n'est pas que les États-Unis ou les Nations unies soient en train de penser à ces gens-là.
Parce qu'ils ne travaillent pas pour la paix, ils travaillent pour la guerre, ils travaillent pour combattre Bachar el-Assad. Est-ce que Bachar el-Assad résume toute la Syrie? Est-ce qu'on ne pense pas à la population, à ceux qui arrivent maintenant chez nous de Syrie, d'Irak? Il y a plus important que M. Bachar el-Assad — il y a des enfants, il y a des familles, il y a des femmes, etc. C'est à cause de cela qu'on est triste."
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— Ksénia Lukyanova (@ksenia_sputnik) 17 апреля 2016 г.
Chacune des personnalités que nous avons pu rencontrer au Liban évoque le génocide arménien de 1915 et parle de plusieurs génocides silencieux qui ont lieu actuellement au Moyen-Orient: chrétiens, Yezidis… Mille et une raisons d'en parler et surtout d'agir.
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