Plus de deux ans après le vote du 9 février 2014 sur l'initiative populaire "Contre l'immigration de masse", la Suisse ne sait toujours pas comment s’y prendre pour concilier les quotas voulus par le peuple et la libre circulation préconisée par l'Union européenne.
Tout au long de son histoire, les immigrés ont largement contribué à construire la Suisse moderne. Néanmoins, la Suisse est avant tout un pays pragmatique pour lequel le bon étranger est avant tout un étranger utile.
Par tradition, la Suisse n’est pas un pays d’immigration et les étrangers ne peuvent en règle générale y effectuer que des séjours temporaires. Il suffit de rappeler le fameux "statut de saisonnier".
La population, surtout rurale, est opposée à "l’emprise étrangère", estimant que la Suisse offre du travail, et ceux qui veulent le prendre n’ont qu’à s’estimer heureux et rentrer ensuite avec leurs économies se réinstaller dans leur pays d'origine.
Dans les années 1970, cette vague xénophobe a été contre-attaquée par la gauche avec une proposition de supprimer le statut de saisonnier, qu’elle jugeait inhumain.
Dans ce contexte, il s'agissait pour la Suisse de développer son économie, tout en limitant l’immigration. Telle est sans doute la contradiction majeure de la politique pratiquée par la droite conservatrice qui plaide en faveur des quotas d’immigration au mépris de la libre-circulation.
Il est toutefois évident qu'il n'y a pas de solution miracle pour résoudre la contradiction entre quotas et libre circulation. Les analystes estiment que la Suisse va pourtant essayer de conserver autant de liberté que possible vis à vis de l'Union européenne.
Au cours des 60 dernières années, on estime toutefois à plus de 6 millions le nombre d’immigrants entrés en Suisse. Beaucoup sont repartis, mais la Confédération a connu, proportionnellement à sa taille, une immigration durable largement supérieure à celle de la plupart des pays du monde. Fin 2014, la Suisse comptait près de 2 millions d’étrangers sur 8,2 millions d’habitants.
Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), pour la période 2005-2009, la Suisse se trouve au premier rang des pays d’immigration, avec 16,5 entrées par an pour 1.000 habitants. Elle devance de peu l’Irlande (16,3) et l’Espagne (16), mais de beaucoup l’Autriche (11,1), l’Australie (9), le Canada (7,6), le Royaume-Uni (7,3), l’Allemagne (7), l’Italie (4), les Etats-Unis (3,8) ou la France (2,1).
Si l’on exceptait des cas très particuliers comme les monarchies pétrolières du Golfe, des petits pays d’accueil massif de réfugiés (Jordanie, Liban) ou des cités-Etats comme Singapour ou le Luxembourg, on dirait que la Suisse est la championne du monde de l’immigration.