Démission de Iatseniouk, un coup de théâtre?

© Sputnik . Mikhail Palinchak / Accéder à la base multimédiaArseni Iatseniouk
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La démission du premier ministre ukrainien pose de plus en plus de questions. Par quoi a-t-elle été motivée? Quelles conséquences entrainera-t-elle? Sputnik s'emploie à résoudre ce casse-tête.
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Iatseniouk, symbole du naufrage de l’Ukraine post-Maïdan

Il y déjà longtemps qu'Arseni Iatseniouk a commencé à perdre pied en politique. Les différends sur la politique ukrainienne entre le président Piotr Porochenko et le premier ministre s'étaient déjà fait sentir l'été dernier.

Mais présenter sa démission, cela devient la démarche préférée du premier ministre ukrainien. En 2014, lorsque les combats sévissaient autour de Donetsk, il avait déjà tenté cette technique motivant sa décision par le fait que le parlement avait trahi l'armée et le peuple.

Mais en fin de compte, Arseni Iatseniouk avait conservé son poste. Et maintenant, l'histoire ne se répète-t-elle pas?

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Les USA connaissent déjà le successeur d'Arseni Iatseniouk

Ces derniers temps, le travail latent des forces centrifuges se poursuivait sans répit au sein du parlement ukrainien. Le premier ministre perdait petit à petit ses soutiens au sein de la chambre, et Piotr Porochenko a utilisé ses alliés au sein de la coalition majoritaire pour rebattre les cartes du jeu politique.

Dans quelle mesure les évènements d'il y a quatre jours ont influencé cette décision d'Arseni Iatseniouk? Georges Estievenart, membre de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) est lui aussi en quête de réponse.

"C'est vraiment la grande question, qu'est-ce que cela peut changer. C'est surtout une grande tentative du président Porochenko de ressouder sa coalition gouvernementale. Il y en a eu déjà le mois dernier, de déstabiliser le premier ministre Iatseniouk, ça a failli marcher. Cette fois-ci cela semble irréversible", affirme-t-il dans un entretien accordé à Sputnik.

Ce qui lui paraît important, c'est que le parti de Iatseniouk ne dénonce pas la coalition avec le bloc Porochenko. Donc, ils essayent de se mettre d'accord sur le nouveau premier ministre qui peut être par exemple Vladimir Groïsman, président du parlement. En tout cas, cela se décidera dans les jours qui viennent.

La principale erreur de Iatseniouk

Mais quel dossier concret a été reproché au premier ministre, voilà la question importante auquel il faut répondre.

"Parmi les enjeux, ce qui pèse vraiment, c'est le retard pris dans le versement de la tranche de 1,7 milliard de dollars du FMI à l'Ukraine, qui trainent depuis le mois d'octobre, parce que le FMI considère que les reformes n'avancent pas", estime M. Estievenart.

Globalement, sur le fait que ces reformes n'avançaient pas, on a beaucoup mis sur les épaules de M. Iatseniouk, poursuit-il.

"Le fait que le président Porochenko doit essayer de ressouder une majorité, d'écarter M. Iatseniouk avec qui il est en bagarre et de décrocher le prêt du FMI, en donnant des gages sur les reformes… Il y a un climat assez exécrable de scandale et de corruption".

Comment doit-on décrypter les résultats du référendum néerlandais?

La corruption pointée du doigt par les Européens a été apparemment une des raisons du "non" massif lors du vote des Néerlandais qui se sont prononcés à 61,1% contre la ratification de l'accord d'association entre l'UE et l'Ukraine. N'était-ce pas aussi une raison de la démission du premier ministre ukrainien?

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Ukraine: le premier ministre Iatseniouk annonce sa démission

Selon M. Estievenart, il faut attendre ce qui va se passer au Pays-Bas. C'est un référendum un peu tiré par les cheveux, d'abord, avec une participation pas trop élevé, surtout vu que la valeur de ce référendum est consultative.

"On ne sait pas encore ce que va faire avec ça le gouvernement néerlandais. Ça ne va pas être facile. Alors, au niveau européen, on a une conjoncture qui n'est pas bonne avec ce referendum qui est une gifle infligée par les europhobes au Pays-Bas, mais qui a des échos dans d'autres pays".

Actuellement, le président de la Rada, Vladimir Groïsman, membre du parti présidentiel "Bloc de Piotr Porochenko", a été désigné pour assumer les fonctions de chef du gouvernement. Arseni Iatseniouk a promis d'aider le nouveau premier ministre afin d'assurer une transition en douceur à la tête de l'exécutif.

Pourquoi Porochenko ne réussira pas ses réformes

Entre-temps, M. Porochenko s'acharne à éviter des élections anticipées en Ukraine dans un climat pareil, et, pour y parvenir, il doit rafistoler sa coalition gouvernementale.

Nous avons posé la question à Florent Parmentier, docteur en science politique, pour savoir si Piotr Porochenko pouvait réussir à mener à bien les reformes qu'on attend tant de sa part?

"Vraisemblablement, non. Le remplacement de Iatseniouk amènera la recomposition des forces politiques en présence", précise-t-il à Sputnik. "On a pu observer ces derniers temps que les compromis politiques étaient de plus en plus difficiles à passer".

Ainsi, le fait de mettre de côté M. Iatseniouk s'avère rendre encore plus difficile le consensus nécessaire pour les reformes. De ce point de vue, on voit que le remplacement de Iatseniouk ne permettra pas d'avantage de reformes, alors que la crise politique et l'instabilité vont perdurer ces prochains mois… Juste au moment où les créditeurs de l'Ukraine commencent à s'impatienter.

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Iatseniouk soumettra sa démission à la Rada le 12 avril

Le prochain gouvernement ukrainien est sous la pression de plusieurs facteurs, explique M. Parmentier. Le premier, au niveau européen, concerne le référendum aux Pays-Bas qui a marqué un frein dans le processus de ratification de l'ensemble des 28, qui est aujourd'hui compromis. Cette première forme de pression marque non pas la lassitude des Européens vis-à-vis de l'Ukraine, mais la lassitude des Européens pour le processus d'intégration européenne dans le cadre d'un referendum qui est propice à la manifestation d'avis défavorables.

Deuxièmement, l'Ukraine est sous pression des créanciers des Fonds internationaux.
Et, troisièmement, le prochain gouvernement sera sous pression de l'opinion publique qui attend des résultats dans trois domaines: la stabilisation économique, la question de la corruption et le fonctionnement de l'Etat, conclut l'interlocuteur de Sputnik.

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