Ces derniers essaient d'obliger la Russie à payer au total une indemnité de 50 milliards de dollars. Petit rappel. Après l'annonce de la banqueroute de Ioukos en 2006, ses biens avaient été vendus aux enchères pour couvrir ses dettes. Son PDG était l'oligarque russe M. Khodorkovski qui fait actuellement l'objet d'un mandat d'arrêt international lancé par la Russie. Le géant pétrolier a cessé d'exister après avoir été liquidé en 2007. Dans le cadre de l'affaire Ioukos les comptes et les actifs russes, dont ceux appartenant à l'agence de presse Rossiya Segodnya, ont été déjà saisis en juin dernier en France et en Belgique.
Une information que le Kremlin est encore en train de vérifier, selon son porte-parole, qui appelle à la prudence en l'absence de confirmation officielle.
Si elle se vérifiait, cette affaire risquerait de mettre à mal les 50 ans de coopération spatiale entre la France et la Russie, que les deux pays célèbrent actuellement en grande pompe. D'après l'avocat Henri Temple, la Russie aurait en effet le droit de dénoncer cette collaboration si elle n'était pas payée par la France.
Ni Kosmitcheskaya svyaz, ni Roscosmos ne commentent les informations parues dans The American Lawyer. La saisie de leurs actifs par la justice française intervient au moment où la France et la Russie envisagent d'utiliser la fusée Soyouz dans le cadre des programmes Copernicus et Galileo. Une question brûlante, puisque le prochain lancement de Soyouz est prévu le 22 avril prochain.
Pour Laurent de Angelis, éditeur de l'ouvrage "50 ans de coopération" et auteur du "Guide des lanceurs spatiaux", la coopération franco-russe est en effet remise en cause et cela pourrait coûter très cher à l'industrie spatiale française.
C'est en février 2015 que Jean-Yves Le Gall, président du Centre national d'études spatiales CNES, rencontrait à Moscou le chef de Roscosmos Igor Komarov. "La France et la Russie écrivent ensemble, depuis plusieurs décennies, une très grande histoire de l'espace et c'est grâce à de telles alliances que sont sans cesse repoussées les limites de la science et de l'exploration. Aujourd'hui, plus que jamais, il est primordial d'unir nos forces et notre expertise afin de continuer à se tourner vers l'avenir pour imaginer des missions toujours plus innovantes", déclarait Jean-Yves Le Gall. Les Russes et les Français ont ensuite décidé de se pencher sur trois priorités: le projet Bion étudiant les conséquences d'un séjour dans l'espace sur les organismes vivants, la sonde russe Interhelioprobe visant à se rapprocher au plus près du Soleil et les développements menés au CNES pour une mission lunaire russe. Et cela sans parler du projet russo-européen Exomars tant salué par la France. Exomars-2016 qui vient d'être lancé, le 14 mars, depuis Baïkonour par le biais de la fusée Proton-M, atteindra l'orbite de Mars le 16 octobre. Les projets conjoints sont donc nombreux et ambitieux. Dans ce contexte, l'arrestation des actifs des compagnies spatiales russes est vue comme quelque chose d'anormal et surprenant du point de vue juridique, indique Henri Temple.
Il est quand-même dommage que la France et la Russie fêtent le 50e anniversaire de leur coopération spatiale de la sorte. Mais il ne leur reste qu'à surmonter cette épreuve, les deux souhaitant poursuivre cette ancienne tradition lancée par le général De Gaulle.
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