L’encombrant leg de Dwight Eisenhower à ses héritiers

© Sputnik . Eduard Pesov / Accéder à la base multimédiaLe drapeau des Etats-Unis
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Nous assistons aujourd’hui aux débats qui agitent la classe politique américaine à propos du budget de la défense. Ce débat n’est qu’une mascarade car il y a bien longtemps que les réalités économiques imposent un choix unique aux hommes politiques américains.

Au sortir de la deuxième guerre mondiale, les exportations des Etats-Unis avaient été multipliées par deux au cours de celle-ci. En 1945, les USA possédaient les 2/3 des réserves d’or mondiales et les ¾ des capitaux investis dans le monde. 50% des biens de consommation étaient produits par l’industrie américaine. De plus, les accords de Bretton Woods instauraient le dollar comme base d’un système monétaire mondial avec néanmoins un rattachement nominal à l’or.

Les 44 pays alliés signèrent ces accords qui comprenaient entre autre la création de la Banque Mondiale chargée de financer la reconstruction et le Fonds Monétaire International chargé de réguler les politiques monétaires des pays membres. L’arrivée de Dwight Eisenhower à la présidence des Etats-Unis en 1953 marqua un réel tournant dans l’industrie de l’armement. Il déclara l’avènement d’une industrie de ‘défense’ permanente.

Ceci eut trois conséquences majeures:

— L’augmentation du budget fédéral des dépenses militaires

— L’augmentation du parc des entreprises de défense et de recherches militaires

— La nécessité de reprendre la livraison d’armes à l’exportation

Sous la pression grandissante de ce complexe militaro-industriel et la bienveillance de John Foster Dulles, Secrétaire d’Etat, la diplomatie transforma son approche de politique de civilisation (SDN de Wilson, ONU de Roosevelt) en politique d’intérêts. La guerre de Corée permettait d’absorber la production mais dilapidait le trésor accumulé au cours de la seconde guerre mondiale. Cette situation ne pouvait perdurer.

Le plan Marshal ayant réussi à assujettir les économies européennes dans le domaine civil et permis l’introduction de ‘l’américan way of life’, il fallait trouver un pendant militaire sur l’Europe et sur le reste du monde. Pour l’Europe c’est l’Allemagne qui fut le vecteur d’entrée en l’autorisant à posséder sa propre armée, alors qu’a contrario Roosevelt, Churchill et Staline voulaient la pastoraliser (pas d’industrie), et je ne parle même pas de la création de la RFA. Mais il fallait s’occuper du reste du monde pour assurer des débouchés. Ce fut fait grâce au renversement de Mohammad Mossadegh en Iran et l’installation du Shah.

L’Iran contribua au sommet de l’influence des USA à hauteur de 25% aux exportations d’armes des USA de 1975 à 1977. Rien de tel que de mettre en place une marionnette puis de lui faire peur. L’intérêt majeur de déstabiliser un pays est qu’il permet de mettre les états riverains ou de la région dans l’obligation de s’équiper militairement pour se défendre, donc de faire fonctionner les exportations du complexe militaro-industriel américain.

Il suffit de regarder les conséquences à compter de cette date (1953) dans les régions d’Amérique Centrale (Guatemala), Moyen Orient (Iran), région des Grands Lacs en Afrique (Congo-Lumumba). La ‘diplomatie’ américaine avait trouvé en Allan Dulles, directeur de la CIA, frère du Secrétaire d’Etat, l’exécuteur des basses œuvres du gouvernement. Vous remarquerez la constance dans la solidarité des successifs gouvernements américains, qui d’ailleurs a inspirée certains de nos politiques français, en mettant en avant comme aujourd’hui le fameux ‘responsable mais pas coupable’. Sous le couvert de la lutte contre le communisme et la propagation universelle de la démocratie, les intérêts américains étaient bel et bien pris en compte en premier lieu.

En clair, le communisme profite aux affaires qui profitent aux Etats-Unis. Toutefois, et c’est un réflexe très habituel américain, Eisenhower se rendit compte que la mise en place de ce complexe militaro-industriel était néfaste pour la démocratie même des Etats-Unis. Par réflexe habituel, je veux parler du fait de créer un monstre puis une fois les désastres constatés, faire un acte de contrition de façade pour mieux recommencer. Dans son discours de départ de la présidence, il s’inquiétait de l’influence du complexe militaro-industriel sur les libertés et les processus démocratiques américains. Afin d’illustrer ce réflexe habituel, je rappelle que sous les présidences Eisenhower, les armes nucléaires sont passées de 1000 à 22 000 et qu’avant de partir, il a signé la loi de programmation permettant la création de 30 000 armes nucléaires supplémentaires sur 10 ans. Il y a de quoi avoir un léger sentiment de malaise!

Mais revenons au bébé d’Eisenhower, à savoir le complexe militaro-industriel et regardons l’état de celui-ci. Alimenté par les différentes guerres (Vietnam, Afghanistan, Golfe 1 et 2, Irak, Libye, Syrie et j’en passe), il a fortement évolué tant dans sa structure que dans ses performances. Sa structure a évoluée sous les années Clinton en passant d’un nombre important d’entreprises à un nombre restreint de groupes. La conséquence directe fut la réduction du nombre de salariés (près de 800 000) mais surtout un renforcement de la puissance politique de ceux-ci. De telle sorte que ces groupes d’industrie d’armement se trouvent dans la même position que les grandes banques, à savoir « too big to fail ». Les gouvernements quels qu’ils soient sont désormais dans l’obligation de les porter. D’après le Stockolm International Peace Research Institute (SIPRI), les groupes américains représentent 9 des 10 plus grandes entreprises de fourniture d’armements. D’autre part, la suppression de nombre d’entreprises a entraîné la suppression de facto de nombre de bureaux d’études ce qui pénalise grandement la créativité et a aussi occasionné une perte d’expérience. Ce phénomène est amplifié par le virage entrepris par ces groupes pour passer d’activités militaires à activités civilo-militaires diluant ainsi les effectifs de recherche et développement. Enfin, la concurrence devient âpre sur le marché de l’armement mondial.

L’apparition de la Chine à la troisième place et de la Russie à la première en tant qu’exportateurs imposent aux Etats-Unis d’entreprendre des actions pour remédier à cet état de fait. Cela devient d’autant plus urgent que le principal acheteur est l’Inde. Considérant le marché indien comme faible pour leur produit pour des raisons politiques (appartenance aux BRICS et bientôt à l’Organisation de Coopération de Shanghai), il devient vital pour les USA de vendre à leurs clients historiques. Il s’agit pour l’essentiel des Pays du Golfe et des pays de l’OTAN. Revenant à des processus expérimentés maints fois au cours du XXème siècle et faisant leur, la maxime de Talleyrand « agiter le peuple avant de s’en servir », les USA créent et alimentent des foyers d’instabilité afin de créer un besoin en armement.

Ce n’est pas un hasard si toujours d’après le SIFRI pour la période 2010-2013, nous retrouvons des pays comme les Emirats Arabes Unis (3ème place) l’Arabie Saoudite (5ème place) des acheteurs d’armes américaines, ces pays représentent près de 10% du volume total d’achats d’armes. Pour mémoire les USA se placent en 7ème position. L’Etat islamique et les désordres ukrainiens permettent de créer ces zones de tension. Dans ce tableau idyllique, le vilain petit canard est la Russie non seulement pour les valeurs qu’elle défend mais surtout, la Russie dérange car c’est un concurrent. La France bien que 4ème exportateur n’est pas un souci du fait de la soumission de ses dirigeants et plutôt qu’un affrontement brutal, nous assistons à un démantèlement en douceur.

Je rappelle au passage l’activité d’un ex-ministre française pour Martin Lockheed lors de sa carrière américaine afin de faire capoter la vente par Dassault de Rafales à la Pologne. La puissance du complexe militaro-industriel américain fait que désormais le gouvernement américain est un conseil d’administration où siègent des directeurs nommés par les actionnaires de l’industrie de l’armement et des banques.

Quant au président son rôle est réduit à celui de contorsionniste et d’avaleur de couleuvre.

Dans un tel contexte on ne peut décemment parler de politique, de civilisation ou de diplomatie mais de stratégie de marché. Le gouvernement américain n’est qu’un syndicat d’intérêts. Ce complexe militaro-industriel est devenu dès les années 50 une machine folle dont l’emballement a justifié toutes les tactiques, toutes les techniques depuis la fin de la convertibilité dollar-or jusqu’à la légalité de la torture en passant par la lobotomisation des peuples par propagande médiatique. Si l’essence de la diplomatie est la connaissance, le respect pour ne pas dire l’empathie des peuples avec qui on dialogue, afin de pouvoir établir des relations constructives, force est de constater que la diplomatie américaine est d’abord tenue de satisfaire les intérêts de multinationales. Ce n’est même plus de l’empire, du monde unipolaire ou de l’hégémonie mondiale dont nous parlons, ce sont simplement de comptes d’épiciers avides de profits personnels.


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