Ukraine: " On change d’acteurs, mais on est toujours dans la même pièce"

© Sputnik . Nikolay Nazarenko / Accéder à la base multimédiaPiotr Porochenko et Barack Obama
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"Quand les USA demandent que la corruption s’arrête, c’est comme un investisseur qui demande qu’on ne dilapide pas son investissement", estime l'expert sur l'Ukraine Fabrice Beaur commentant la décision de Barack Obama d'accorder à l’Ukraine le troisième versement d'un crédit d'un milliard de dollars.

Vendredi, le président américain Barack Obama a confirmé sa décision d'accorder à l'Ukraine le troisième versement d'un crédit d'un milliard de dollars (878 millions d'euros) à l'issue de la formation du gouvernement ukrainien. La veille, les États-Unis ont annoncé une aide supplémentaire de 335 millions de dollars (294,1 millions d'euros) à l'Ukraine destinés au renforcement de sa sécurité.

"La corruption comme le prix à payer pour avoir un minimum de marge de manœuvre"

"Je ne pense pas que tout cet argent va arriver au destinataire. Par exemple, votre antenne a révélé une affaire entre la Croatie et l'Ukraine pour la rénovation de leurs vieux Mig. Aujourd'hui, on s'aperçoit que non seulement les avions qu'on a vendus et qui devaient être modernisés ne sont pas les mêmes avions, mais, en plus, ce sont des avions composés de différentes pièces détachées qui proviennent de différents pays", estime Fabrice Beaur, observateur d'Eurasian Observatory for Democracy & Elections et bon connaisseur de l'Ukraine dans un entretien à Sputnik.

D'après l'expert, dans ces circonstances, Poroshenko semble avoir accepté la corruption comme le prix à payer pour avoir un minimum de marge de manœuvre.

"Mais le président, le Premier ministre et le Parlement doivent comprendre à un moment donné que le Fonds monétaire international (FMI) ne peut pas continuer à investir de l'argent dans un pays corrompu, à moins que le gouvernement ukrainien ne commence à mettre en œuvre réellement les réformes promises", a-t-il fustigé.

"C'est comme le théâtre, on change d'acteurs, mais on est toujours dans la même pièce"

M. Beaur constate que la corruption existait avant le coup d'Etat du 21 février 2014, et qu'elle continue à exister depuis, si ce n'est même plus, puisque ce sont les oligarques qui ont pris le pouvoir. "Toutes les précédentes tranches de prêts étaient là pour valider les privatisations. Au passage, beaucoup de sommes ont disparues", a-t-il fait remarquer.

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Les annonces de l'aide financière américaine sont tombées au moment où l'on a appris le limogeage du procureur général Viktor Chokine, accusé de saboter les réformes et de couvrir la corruption, mais aussi de son adjoint David Sakvarelidze, qui dénonçait cette même corruption qui ronge le pays.

"Cette affaire de la démission du procureur qui a été validée aujourd'hui, n'était pas là que pour empêcher une action judiciaire. Est-ce que pour autant sa démission, validée par le Parlement, va changer quoi que ça soit? Je ne crois pas. C'est comme au théâtre, on change d'acteurs, mais on est toujours dans la même pièce", a estimé M.Beaur.

"Les Américains ont leurs propres intérêts dans la privatisation"

Washington déclare que le deal américain (le FMI prête la plus grosse partie des fonds) en Ukraine est d'"appliquer les réformes démocratiques voulues par les Ukrainiens". Mais M. Beaur doute que les Ukrainiens non-manipulés qui étaient heureux d'apprendre la chute de l'ancien président, aient été pour la privatisation.

Pour l'instant, on essaye de boucher au plus vite les trous les plus béants aussi bien dans le budget que dans les réformes institutionnelles.

M.Beaur estime que les privatisations servent avant tout les intérêts américains. Le fils de Joe Biden a des actions dans les gazoducs à travers l'Ukraine. On voit que même aux Etats-Unis, il y a des intérêts personnels: d'une part, ceux de l'administration américaine, d'autre part — ceux des oligarques qui sont là pour se partager le gâteau. Mais ils ne se le partagent pas d'une manière loyale — c'est un clan contre un autre clan. Certains soutiennent le premier ministre actuel, d'autres aimeraient qu'il s'en aille. Même à l'intérieur du clan Porochenko on a pu constater des divergences sur la question de la démission du procureur. Si on veut comprendre les raisons pour lesquelles tel ou tel député adopte telle ou telle position, il faut regarder ce à quoi il se raccroche.

"Je ne pense pas que le problème se situe au niveau de l'individu qui occupe un poste de ministre, c'est structurel. Quand les USA demandent que la corruption s'arrête, c'est comme un investisseur qui demande qu'on ne dilapide pas son investissement. Mais il n'y a pas d'intérêt à construire un état moderne et efficace", conclut l'expert.

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