Dans un Yémen confronté à une crise humanitaire qui décime tous les jours des milliers d'enfants, le destin du petit Udai Faisal aurait pu passer inaperçu comme tant d'autres, s'il n'était pas devenu le symbole de l'indifférence de la communauté internationale face aux "guerres de la faim" qui secouent le pays depuis des années.
Mains tremblantes, visage émacié, jambes squelettiques, tel est le résultat de la constante malnutrition et des maladies chroniques qui ont ravagé ce petit corps fragile.
"Quand il pleurait, il n'y a avait pas de larmes, à tel point son organisme manquait d'eau", a confié à l'agence Associated Press la mère du bébé décédé de malnutrition.
Le cas d'Udai Faisal n'est pas unique en son genre, loin s'en faut. "La situation humanitaire est devenue effroyable au Yémen, où 80% de la population a besoin d'aide humanitaire un an après le début de la campagne militaire de la coalition menée par l'Arabie saoudite", avertit une des rares ONG encore présentes dans le pays.
"La situation humanitaire s'aggrave, les ONG n'arrivent plus à couvrir les besoins de la population", souligne Cristina Thevenot, une responsable de l'ONG Action contre la faim (ACF) de retour de Sanaa, lors d'une conférence à Paris où est basée l'organisation.
En un an, la situation "s'est beaucoup dégradée: alors qu'en mars 2015, 16 millions de personnes avaient besoin d'assistance humanitaire, on estime aujourd'hui à 21 millions, soit 80% de la population, les Yéménites qui ont besoin d'une telle aide", poursuit-elle.
Dans dix gouvernorats sur 21, "le niveau d'urgence humanitaire a été élevé à la phase 4, juste avant la famine", ajoute Mme Thevenot.
La responsable insiste sur les obstacles qui entravent l'action des ONG, dont les limitations de leur liberté de mouvement, ainsi que "les menaces et les arrestations du personnel" dans le pays en guerre.
"Nous constatons une aggravation des cas de malnutrition qui arrivent dans les centres d'Action contre la faim, et les enfants sont plus âgés", précise à l'AFP Isabelle Moussard Carlsen, directrice régionale pour le Moyen-Orient d'ACF.
Si la guerre au Yémen n'a pas provoqué de crise des réfugiés, comme dans d'autres pays de la région, la situation des déplacés, qui sont passés de 334.000 en mars 2015 à 2,5 millions en mars 2016, est extrêmement précaire. "Ils ne sont pas regroupés dans des camps mais fuient vers des zones plus sûres, et se retrouvent sans aucune ressource et sans accès aux services de base", indique-t-elle.
Depuis l'intervention de la coalition menée par l'Arabie saoudite en mars 2015 contre les rebelles houthis, le conflit a fait plus de 6.100 morts, dont environ la moitié de civils, selon les dernières estimations de l'Onu.