Le premier cas de "fausse princesse" a été officiellement constaté au tournant des XIIIe et XIVe siècles. Une jeune fille, Marguerite, avait pour père le roi de Norvège Eric, et pour grand-père le roi d'Écosse Alexandre. Sa mère était morte. Le grand-père est décédé un jour en tombant de son cheval et une lutte pour le pouvoir a éclaté en Écosse. Il a été finalement décidé que le pays serait dirigé par Marguerite, aidée par un régent en raison de son bas âge. Son avenir était planifié à des années d'avance: la petite Marguerite devait épouser le futur roi d'Angleterre, le prince Edouard, contribuant ainsi à l'union de l'Angleterre et de l'Écosse. Mais comme on dit, "si tu veux faire rire Dieu, raconte-lui tes projets".
La princesse de six ans a donc quitté la maison de son père pour rejoindre son royaume mais quand le navire est passé près des îles des Orcades, la fillette est tombée malade et en est morte. Son corps a été retourné en Norvège à son père pour être enterré et de nouveaux troubles ont éclaté en Écosse. Dans ces conditions la "Vierge de Norvège", comme l'appelaient les Écossais, aurait eu tort de ne pas ressusciter. Et c'est ce qui s'est passé.
Une femme, apparue en 1300 à Bergen, a déclaré qu'elle était Marguerite, héritière légitime du trône, qu'elle n'était pas du tout morte mais avait été envoyée en Allemagne par des Écossais qui représentaient un autre prétendant au trône. Elle était accompagnée par un mari allemand, semblait avoir 40 ans et, selon les témoins, des cheveux blancs étaient déjà perceptibles dans sa chevelure. La vrai Marguerite, si elle avait survécu, aurait eu à l'époque 17 ans. L'usurpatrice et son mari ont été interpellés puis, en 1301, selon les Chroniques islandaises, "la femme qui se faisait passer pour la fille du roi Eric a été brûlée et son mari a été décapité" pour préparation de coup d'État.
Malgré la simplicité flagrante de la mascarade, un culte de l'innocente tuée a vu le jour: des pèlerins allaient se recueillir sur le lieu de son exécution, où 60 ans après on a même construit l'église de Sainte-Marguerite la martyre — malgré les objections de l'archevêque Audfinn qui connaissait la véritable Marguerite: "… Elle n'était pas la fille du roi Eric et de la reine Marguerite, puisqu'elle est née vingt ans avant la célébration du mariage du roi Eric…". L'église de Sainte-Marguerite a prospéré pendant encore des siècles et a été détruite seulement pendant la Réforme protestante, avec d'autres églises catholiques.
Un orteil tordu comme la vraie princesse
L'un des cas les plus célèbres de "résurrection" a été mis en scène après l'exécution de la famille royale de Nicolas II: une jeune femme nommée Anna Anderson se faisait passer pour la plus jeune des princesses — Anastasia. Elle affirmait que les bijoux placés dans son corset l'avaient sauvée des balles, et qu'elle avait été extraite de la maison d'Ipatiev par un soldat portant le nom de Tchaïkovski, qui avait extradé la "princesse" en Roumanie. Sur son corps on pouvait voir les cicatrices de blessures par balle, et, comme la princesse, elle avait un doigt de pied tordu (devenu par la suite l'un des principaux arguments d'identification).
Tout a commencé en 1920, quand un policier berlinois a sauvé une inconnue qui tentait de sauter d'un pont. La jeune femme, sans argent ni documents, a été placée dans un hôpital psychiatrique pour pauvres où elle a passé 18 mois. L'histoire est née grâce à sa voisine de chambre Marie Peuthert. Comment? A cause de l'excitation excessive d'Anastasia en voyant la photo de la famille impériale dans un magazine? D'une légère ressemblance sur les photos? De son accent slave? La conversation des voisines sur la vie en Russie en général ou l'histoire d'une fille inconnue selon laquelle, à l'époque du massacre d'Ekaterinbourg la bonne "courait avec un oreiller en criant"? En sortant de la clinique Maria était persuadée que sa voisine était l'une des filles du tsar.
Puis tout s'est enchaîné. Le premier à arriver pour l'"identification" fut un ami de Peuthert, un ancien capitaine du régiment impérial, suivi d'autres individus connaissant Anastasia. Les avis étaient partagés mais la rumeur était lancée.
"… Et si c'était vraiment notre fillette? Dieu seul sait. Et imaginez-vous: si c'était elle, seule, dans la pauvreté, si tout cela était vrai", écrivait, inquiète, la grande-duchesse Olga Alexandrovna au maître des enfants impériaux Pierre Gilliard. Ce dernier part alors rencontrer son "élève" qui avait déjà été accueillie dans sa maison par la baronne Maria von Kleist. Résultat: "Elle n'a pas la moindre ressemblance avec la grande-duchesse Anastasia telle que je me souviens d'elle…". Mais tout à coup, dans ses souvenirs, remontent des surnoms domestiques, elle verse du parfum sur sa main avec un geste particulier caractéristique de la princesse, parle d'un chien de porcelaine sur la commode — et les sceptiques sont à nouveau saisis d'un doute. Et même si elle refuse de parler russe et se comporte comme des gens ordinaires, en tant que reine elle se distingue par un mauvais caractère et une psychologie instable, et beaucoup désirent soutenir et entretenir Anna-Anastasia.
L'écrivaine et sculptrice Harriet von Rathlef la soutient loyalement pendant des années aux USA, où elle arrivera à l'invitation de la princesse Xenia Gueorguievna. Ses factures sont prises en charge par le compositeur Sergueï Rachmaninov et une certaine Annie Jennings, riche et solitaire, lui offre un toit et paie son voyage à Berlin où Anderson initiera le premier procès pour être officiellement reconnue comme grande-duchesse et en droit de prétendre à l'héritage impérial. Les procès ont duré très longtemps — presque 50 ans — sans résultat: aucune des parties n'a réussi à prouver quoi que ce soit.
En 1968 Anna, à l'âge de 70 ans, épousera le professeur John Manahan, son soutien de longue date. Jusqu'à la fin de sa vie en 1984 il supportera loyalement toutes ses hystéries et excentricités.
Son vrai nom suscite encore aujourd'hui des discussions. Même l'analyse ADN de la famille royale exhumée en 1991 laisse place au doute. Selon une version elle était une ouvrière polonaise qui s'appelait Franziska Schanzkowska. Selon une autre version présentée dans certains films sur sa vie elle était la grande-duchesse Anastasia. Mais elle est surtout connue sous le nom d'Anna Anderson, reçu en 1920 à l'hôpital psychiatrique pour donner une identité administrative à la patiente. C'est elle qui aurait inventé le nom en signant ainsi un jour dans un journal d'hôtel.
Son Altesse la fournisseuse de sangsues
La princesse Caraboo est l'une des usurpatrices les plus originales. Une pure improvisation, un déchaînement de fantaisie, un feu d'artifice! C'est pourquoi cette brève histoire, qui a duré moins de trois mois, a tant marqué, quand dans le village britannique d'Almondsbury, près de Bristol, est apparue une jeune femme en tenue noire parlant une langue incompréhensible.
A l'époque postnapoléonienne on se méfiait des étrangers: ne s'agissait-il pas d'un espion? La jeune femme étrange a été admise dans un refuge pour les pauvres et personne n'a réussi à lui parler. Le juge du comté Samuel Worrall, ayant un esclave grec, a pris en charge cette affaire. Mais la jeune femme n'était pas Grecque. L'épouse du juge, Elizabeth, était intriguée par l'hôte: qui était-elle? L'inconnue ne buvait que de l'eau en repoussant avec dégoût d'autres boissons, elle mangeait du riz, lisait avant le repas une prière dans une langue inconnue et ne réagissait pas à l'anglais. En revanche, en voyant un tableau avec un ananas elle a crié "anana!" et a été très excitée en voyant des statuettes chinoises. Toutes les tentatives de découvrir son identité étaient vaines: l'unique progrès était qu'en se pointant du doigt elle avait dit "Caraboo!". C'est ainsi qu'on l'a appelée.
D'innombrables curieux, étrangers et voyageurs se déplaçaient pour tenter de comprendre d'où elle venait et quelle langue elle parlait. Certaines versions évoquaient la baie de Caraboo au bord de la mer Caspienne, la Circassie…
Enfin est venu un marin portugais qui a déclaré qu'il s'agissait d'un mélange des dialectes du littoral de Sumatra. Il a accepté de faire l'interprète. Après des informations complémentaires et des précisions obtenues grâce à des dessins et des gestes, l'histoire ressemblait à ceci: Caraboo était née sur l'île de Javasu dans l'océan Indien dans une famille de sang royal. Elle a été kidnappée par des pirates, vendue pour esclavage, elle a fui le bateau, a échangé ses vêtements ornés d'or contre de la nourriture et après six semaines de voyage elle est arrivée à Almondsbury.
Après cela la princesse s'est définitivement installée dans la maison des Worrall. Des vêtements ont été conçus à son goût — des manches jusqu'au sol, une large ceinture, un turban. Une fois par semaine elle était amenée à Londres où un peintre dessinait son portrait. Son "Altesse" s'épanouissait, perfectionnait sa "langue" et ajoutait de nouvelles éléments à son passé. Il y avait également des sceptiques: les domestiques reconnaissaient qu'ils s'approchaient d'elle la nuit en attendant qu'elle parle dans son sommeil. Un autre s'était approché d'elle par derrière pour lui faire soudainement un compliment en anglais. La princesse était restée stoïque et n'y avait pas fait attention.
Par la suite, tout le monde a apprécié son talent d'actrice. Pour créer son image de Caraboo, elle s'était aidée de livres intelligents, où elle faisait semblant de regarder seulement les images, et des conversations de voyageurs qui racontaient en chœur leurs souvenirs sur les mers et les îles. La célébrité de la princesses a tellement grandi que cela lui a été fatal.
Le Journal de Bristol est paru un jour avec son portrait, et une certaine miss Neal a reconnu dans cette célébrité étrangère son ancienne locatrice Mary Baker, née Willcocks, fille d'un cordonnier de Devoshire qui parlait avec ses filles en langue tarabare, qu'elle avait elle-même inventée. Il a fallu se rendre à l'évidence.
Elle a encore tenté de voyager et de jouer des rôles, mais l'apogée de sa carrière était passé. Mary est revenue dans sa région natale. "La dernière chose que j'ai entendue à propos d'elle, se souvenait en 1839 le bibliothécaire George Price, est qu'elle s'était mariée pour rester définitivement dans cette ville… en tant que fournisseuse de sangsues à l'hôpital de Bristol…" Elle est morte en 1865 d'une crise cardiaque.
— Il y a également des imposteurs parmi les hommes. Le plus ancien des chefs imposteurs est Gaumata (Bardiya), qui s'était fait passer en 522 av. J.-C. pour le frère cadet du tsar Cambyse, pendant que ce dernier combattait en Égypte. Il a régné sur la Perse pendant 7 mois.
— Un nombre record de prétendants au trône a submergé la France après le renversement de Robespierre en 1794. Près de 100 personnes revendiquaient être le dauphin en bas âge de Louis XVII, reclus et mort dans le Temple.
— Nicolas II est celui qui a eu le plus grand nombre de descendants "rescapés" — près de 230 personnes, dont 81 se faisaient appeler "prince héritier Alexis".
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