Le Ministère américain de la Défense annonçait lundi 07 Mars l'élimination de 150 combattants du groupe islamiste Al-Shabaab — branche locale d'Al-Qaeda — en Somalie au cours d'une série de frappes aériennes menées par des avions et des drones, dans ce qui est présenté comme l'attaque américaine les plus dévastatrice de ces dix dernières années contre le groupe terroriste.
Les officiels du Pentagone sont catégoriques: les morts sont tous des « terroristes » ou des « militants » et plusieurs commandants figureraient au bilan de ce « coup spectaculaire » pour reprendre un des qualificatifs de la presse américaine qui salue cette opération.
La presse américaine, à l'exception de The Intercept, qui dénonce une absence de scepticisme des médias à l'égard des autorités, rappelant qu'il n'y a aucun moyen de confirmer l'identité et encore moins l'affiliation de l'ensemble de ces 150 individus: étaient-ils vraiment tous des « terroristes » ou quelques dommages collatéraux se sont-ils immiscés parmi eux? D'autant plus que, comme le rappelle The Intercept cela ne serait pas la première fois que le Pentagone manque d'exactitude dans ses déclarations.
Par ces révélations, The Intercept tenait à dénoncer ce qu'il jugeait être une stratégie anti-terroriste peu efficace… le tout à un moment où les frappes de drones américains n'avaient jamais été aussi nombreuses: en effet si elles débutaient en 2002 sous la mandature de George W. Bush elles ont connu leur véritable essor à partir de l'investiture de Barack Obama à la Maison Blanche. L'essor d'une méthode qui au fil des ans a été jugée tout autant expéditive que polémique.
Expéditive, quant à l'emploi d'appareils télécommandés pour délivrer à plusieurs milliers de kilomètres du sol américain des sentences de mort à l'encontre d'individus n'ayant fait l'objet d'aucune comparution devant un tribunal, des individus n'ayant jamais fait l'objet d'aucun jugement, si ce n'est celui de services américains, validé par le Président des Etats-Unis. Et ce fut le cas par exemple, du prédicateur Anwar Al-Aulaqi, un citoyen américain né de parents yéménites —accusé par les autorités américaines d'être lié à plusieurs attentats — tué par des drones de la CIA le 30 Septembre 2011, et qui laissait derrière lui un fils de 16 ans, Abdulrahman Al-Aulaqi, lui aussi éliminé par une frappe de drone deux semaines plus tard.
De nombreuses erreurs d'appréciations, qui viendraient d'une certaine facilité à rendre de telles sentences du fait de la distance entre l'opérateur et le théâtre d'opération.
Mais pour le Général de brigade aérienne Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l'IRIS, délivrer une frappe via un drone n'est pas si différent que de le faire depuis un aéronef à haute altitude, voire — dans certains cas — depuis des vaisseaux en mer…
« Les frappes d'avions, guidées par des forces spéciales, c'est de l'appui feu aérien rapproché, cela représente une toute petite partie des frappes; la plupart des frappes sont faites avec des désignations et ces désignations sont faites à plusieurs kilomètres de distance. La vision physique de l'objectif par le pilote d'un avion de chasse à l'heure actuelle n'est dans 90% des cas pas supérieure à celle d'un opérateur de drone ».
L'Afrique: terrain de compétition entre les pays à l'influence historique, les Etats-Unis, et d'autres dont l'influence globale est bien plus récente…
On notera que les promesses passées quant à apporter plus de transparence sur les frappes menées dans des pays non officiellement en guerre sont, pour ainsi dire, restées jusqu'à aujourd'hui lettre morte…
Après tout, transparence ou non, la désignation de « civil », « militant » ou encore « terroriste » n'est-elle pas dépendante de la perception des acteurs?
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.